La Chine au chevet de Yiyi

Le Premier ministre Wen Jiabao s'était rendu au chevet de la petite Yiyi, quelques jours après son sauvtage.
Le Premier ministre Wen Jiabao s'était rendu au chevet de la petite Yiyi, quelques jours après son sauvtage. © MaxPPP
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Nicolas Gauduin avec AFP
L'opinion s'est mobilisée en apprenant le sort d'une fillette de deux ans, grièvement blessée dans le récent accident de TGV.

Yiyi ne perdra pas sa jambe. Mercredi matin, c'est toute la Chine qui a été soulagée par cette annonce d'un spécialiste mandaté par le gouvernement auprès de la fillette de deux ans, grièvement blessée dans l'accident de TGV survenu fin juillet près de Wenzhou.

 

 

Pendant trois semaines, le sort de "Petite Yiyi" a ému, puis scandalisé l'opinion. Elle est devenue un symbole. Celui d'une population chinoise qui n'hésite plus à dénoncer ce qu'elle considère comme une injustice. Et à l'inverse, celui d'un gouvernement chinois sous pression, qui recule face à un début de vindicte populaire.

 

 

Vingt-deux heures de cauchemar

 

 

Tout commence le 23 juillet. La Chine est sous le choc après le déraillement d'un TGV dans l'est du pays : deux de ses wagons sont tombés d'un pont après avoir été heurtés par un convoi.

 

Les parents de Yiyi sont morts dans l'accident, et les équipes de secouristes ne la repèrent pas lors de leur passage dans les décombres. Elle va passer vingt-deux heures cauchemardesques, une jambe écrasée, enfermée dans la carcasse.

 

Plus personne n'était là pour chercher sa trace parmi les décombres : la phase des secours était officiellement terminée, les équipes de recherche avaient déserté les lieux de l'accident.

 

 

Découverte lors d'une dernière fouille avant le déblayage du terrain, la petite orpheline attire la compassion de toute la Chine. Le Premier ministre Wen Jiabao se rend même à son chevet.

 

 

La phrase malheureuse d'un ministre

 

 

C'est là que tout bascule. Déjà émue par le sort de l'orpheline, l'opinion va être scandalisée par une phrase malheureuse du ministre chinois du Rail, qui évoque un "miracle de la vie", alors que la fillette risque d'être amputée d'une jambe.

 

 

La presse chinoise s'empare de l'affaire, s'en prenant directement aux autorités. "Pas de miracle à Wenzhou", titre The Economic Observer. L'hebdomadaire publie une lettre ouverte au ton très virulent : les autorités sont accusées d'avoir privilégié la reprise rapide du trafic, d'avoir bâclé les opérations de sauvetage. Le document est largement partagé sur la Toile.

 

 

Le gouvernement perd peu à peu le contrôle sur "l'affaire Yiyi" : il censure toute information publiée sur l'accident, mais ne peut appliquer ces mesures à l'histoire de la fillette. Alors qu'elle est déjà devenue un symbole dévastateur.

 

Puis c'est au tour de l'oncle d'écrire une lettre ouverte, publiée dimanche sur son blog. Une "supplique pour sauver les jambes de Yiyi", un appel au gouvernement pour qu'il s'investisse dans sa guérison.

 

Après ce nouvel appel, les médias et les blogs se lâchent. On pointe l'hypocrisie et l'inaction des autorités, mais elles laissent faire en attendant la fin de l'orage. Celle-ci ne viendra pas.

 

Yiyi ne sera pas amputée

 

L'annonce finit par tomber, mardi : des spécialistes médicaux sont envoyés au chevet de Yiyi. Puis mercredi matin, l'espoir se concrétise. "Petite Yiyi va pouvoir conserver sa jambe", annonce l'un des experts gouvernementaux au Quotidien de Pékin.

 

Dans la foulée, le ministre du Rail est remercié. Un membre du gouvernement sacrifié sous la pression populaire… Assurément, quelque chose vient de changer dans le rapport entre la population chinoise et le pouvoir en place.

 

Quatre jours après une grande manifestation qui a viré à l'émeute, des milliers de personnes s'opposant à la police pour réclamer la fermeture d'une usine chimique, le gouvernement chinois a cette fois-ci préféré la conciliation à la répression.

 

Une avancée sur laquelle il lui sera peut-être difficile de revenir, sans s'attirer les foudres d'une opinion qui ne s'estimera plus contrainte au silence.