Irak : après la guerre, la plainte du Premier ministre contre le président

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avec AFP , modifié à
COUP DE PRESSION - Le pays fait face à une double crise : militaire, avec l'invasion de l'Etat islamique, et désormais politique, avec un désaccord central au sommet de l'Etat.

L'Irak n'avait probablement pas besoin de cela : déjà affaibli par les djihadistes de l'Etat islamique, qui occupent le quart nord-ouest de son territoire, le pays a plongé dimanche soir dans une crise politique inattendue. Le Premier ministre, Nouri al-Malkiki, a annoncé dimanche soir son intention de déposer une plainte contre... le président, Fouad Masoum, qu'il accuse d'avoir violé la Constitution. La capitale Bagdad est depuis le théâtre d'un déploiement inédit des forces de sécurité.

Le Premier ministre accuse le président. "Aujourd'hui je vais déposer une plainte devant la Cour fédérale contre le président", a annoncé Nouri al-Maliki dans une déclaration surprise retransmise à minuit par la télévision d'Etat. Il accuse le président d'avoir violé deux fois la Constitution, notamment en ne confiant pas à un Premier ministre désigné la mission de former un nouveau gouvernement. La coalition menée par le Premier ministre a en effet remporté les dernières élections législatives, en avril, mais n'arrive pas à obtenir l’assentiment du parlement. Et pour cause : Nouri al-Maliki est accusé de privilégier les chiites et de marginaliser les sunnites, rendant impossible tout gouvernement d'union nationale.

Les Etats-Unis le désapprouvent. Ce "coup politique" intervient au plus mauvais des moments pour un pays déjà en état de guerre. Washington a donc aussitôt exprimé son soutien au président: "Les Etats-Unis soutiennent pleinement le président Fouad Masoum dans son rôle de garant de la Constitution irakienne", a déclaré la porte-parole du département d'Etat Mary Harf. "Nous réaffirmons notre soutien à un processus de sélection d'un Premier ministre qui puisse représenter les aspirations du peuple irakien en créant un consensus national et en gouvernant de manière ouverte", a-t-elle indiqué. "Nous rejetons tout effort visant à aboutir à des résultats à travers la coercition ou la manipulation du processus constitutionnel ou judiciaire", a-t-elle averti.

Quelques heures plus tard, le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, est revenu à la charge : "Nous soutenons fermement le président Massoum (qui) a la responsabilité de garantir la Constitution de l'Irak", a-t-il rappelé, avant d'ajouter : "nous espérons que M. Maliki ne causera pas de problèmes".

La capitale en état de siège. Cette annonce télévisée du Premier ministre a été précédé d'un inquiétant déploiement de force dans Bagdad. "Il y a une forte présence de membres de la sécurité, de la police et de l'armée, spécialement autour de la 'zone verte' ", un quartier hautement protégé où sont basées les institutions clé du pays, a indiqué un haut responsable de la police. Ce déploiement a débuté 90 minutes avant que le Premier ministre Nouri al-Maliki annonce à la télévision d'Etat qu'il allait déposer une plainte contre le président Fouad Masoum.

Ces mesures de sécurité "sont très inhabituelles et ressemblent à celles que nous imposons pour un état d'urgence", a déclaré ce haut responsable de la police. "De nombreuses rues ont été fermées, ainsi que plusieurs ponts clé", a précisé un responsable au ministère de l'Intérieur. "Tout est lié à la situation politique", a-t-il ajouté.

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