Fabius à l’assaut de la Mongolie

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avec AFP , modifié à
Le ministre des Affaires étrangères emmène, entre autres avec lui, le patron du groupe nucléaire Areva.

C’est la première fois qu’un chef de la diplomatie française se rend officiellement en Mongolie. Laurent Fabius y passera deux jours en fin de semaine. Ce n’est ni une passion dévorante pour les chevaux, ni pour les grandes étendues d’herbe, qui poussent le ministre des Affaires étrangères à voler jusqu’à Oulan Bator mais l’incroyable potentiel minier qu’offre le pays de Gengis Khan.

Une croissance à deux chiffres qui fait rêver. La France est loin d’être la première (ou la seule) à lorgner sur les réserves d’or, de fer, d’uranium et de cuivre du pays. Outre la Russie et la Chine, les Australiens et les Canadiens scrutent, eux aussi, le sous-sol extrêmement riche de cette gigantesque république.

Un mineur tient dans la main une pépite d'or dans une fonderie à 100 kilomètres d'Oulan Bator. Mongolie,

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Un mineur tient dans la main une pépite d'or dans une fonderie à 100 kilomètres d'Oulan Bator.

Le géant anglo-australien Rio Tinto et le canadien Turquoise Hill Resources ont investi quelque 6,2 milliards de dollars dans la mine d'Oyu Tolgoi et prévoient d'en tirer 450.000 tonnes de cuivre et 330.000 onces d'or chaque année. Il s’agira alors d’une des plus grandes mines de la planète. Une manne qui permet à la Mongolie de dégager une croissance à deux chiffres, environ 13% en 2013. Mais l’exploitation intensive du sous-sol fait craindre à certains que le pays se transforme en gigantesque mine à ciel ouvert.

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Areva en première ligne. Coincée entre la Russie au nord, et la Chine au sud, la Mongolie cherche aujourd’hui de nouveaux partenaires commerciaux. La France apparaît comme un candidat potentiel et sérieux. Alors dans ses bagages, Laurent Fabius emmène une délégation de responsables d'une quinzaine d'entreprises de tous secteurs : énergie, transports, environnement, agriculture, haute technologie. Dont le patron du groupe nucléaire Areva, Luc Oursel. Le groupe prospecte depuis dix ans en Mongolie et aurait en perspective un "projet stratégique" d'exploitation d'un gisement d'uranium, selon l'entourage du ministre. "Nous espérons que cette visite sera une étape importante pour faire avancer ce projet", ajoute-t-on.

Une entrée à grande vitesse dans la modernité. Mais les investisseurs étrangers ne sont pas toujours vus d’un bon œil par les locaux. La Mongolie est un pays de nomades et de traditions qui résiste tant bien que mal aux influences chinoises et russes pour tenter de préserver sa spécificité culturelle. Si l’exploitation des mines est aujourd’hui le principal revenu de l’Etat, elle est aussi sa plus grande menace. Des opérations coup de poing sont organisées par des groupuscules (certains néonazis) contre les mines détenues par des groupes étrangers.

"Ici nous voulons des gens avec un coeur mongol et du sang mongol", confie, par exemple, Boldbaatar Gombodorj. Ce militaire à la retraite, dont le nom signifie "Héros en acier forgé", s’est engagé dans un groupuscule nationaliste, "Lutte pour la sécurité de la Mongolie". L’objectif de cette organisation : défendre, au besoin par la force, l'environnement et la culture nomade de la Mongolie dont, selon lui, les multinationales pillent les richesses et corrompent les élites.

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Quatre membre d'un groupe ultra-nationaliste patrouillent sur un site minier.

Une société à deux vitesses. L'industrie minière et la conversion au capitalisme sauvage ont généré aussi nombre de laissés-pour-compte en Mongolie. Un terreau fertile pour ces mouvements extrémistes surnommés les "éco-nazis". "Nous ne sommes pas un gang de voyous", assure pourtant Ariunbold, selon qui les sociétés minières "violent les droits des citoyens mongols". "Ils creusent un trou puis ils partent en laissant derrière eux de terribles ravages environnementaux", dénonce-t-il.

"La société est devenue très vulnérable. Les enfants des riches vont étudier à l'étranger tandis que pour les autres les frais de scolarité augmentent chaque année". Une société à deux vitesses est en train de s'installer en Mongolie et cette "polarisation" de la société risque de s'aggraver si la manne des mines n'est pas mieux distribuée dans l'avenir.