Des néonazis protégés en Allemagne ?

Les services de renseignements allemands sont mis en cause dans une affaire de meurtres racistes.
Les services de renseignements allemands sont mis en cause dans une affaire de meurtres racistes. © Reuters
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MLC avec AFP , modifié à
Les services de renseignements allemands sont mis en cause dans une affaire de meurtres racistes.

Depuis l'arrestation de Beate Z. et Holger G., deux Allemands soupçonnés d'appartenir à un groupe néonazi et d'avoir participé à au moins neufs meurtres racistes, une polémique ne cesse d'enfler en Allemagne. La presse et plusieurs responsables politiques se demandent si leur groupuscule d'extrême-droite a bénéficié de la protection des services de renseignement. La chancelière Angela Merkel a demandé que toute la lumière soit faite.

Des crimes racistes enfin élucidés

Tout commence début novembre. La police allemande enquête sur un braquage dans l'Est du pays. Deux jours plus tard, elle retrouve dans un camping-car les cadavres de deux hommes qu'elle pense être les auteurs du hold-up. Ils se sont visiblement suicidés. Dans le camping-car, les enquêteurs tombent sur l'arme de service d'une policière abattue dont le meurtre en 2007 n'avait jamais été élucidé.

Quelques jours plus tard, une jeune femme, Beate Z., se livre aux forces de l'ordre, non sans avoir auparavant tenté de faire exploser l'appartement qu'elle occupait, à Zwickau. Selon la police, elle était une camarade de longue date des deux premiers suspects au sein du mouvement néonazi local. En fouillant les décombres de son appartement, les policiers mettent la main sur un pistolet qui, selon des analyses balistiques, a été utilisé dans une série de neuf meurtres racistes entre 2000 et 2006.

Un deuxième homme est par la suite arrêté. Il est soupçonné d'appartenir à un groupe baptisé "Clandestinité national-socialiste" (NSU) dont auraient également fait partie les trois autres protagonistes. Il leur aurait notamment apporté un soutien logistique, en leur laissant utiliser son permis de conduire et son passeport.

Les services de renseignements soupçonnés

Dès les premiers jours de l'enquête, le très sérieux quotidien Tageszeitung s'interrogeait sur le fait que le trio ait pu disparaître pendant 13 ans alors qu'un atelier de fabrication de bombes artisanales avait été découvert en 1998 dans un garage loué par Beate Z. à Iéna. Certains soupçonnaient les services de renseignement d'avoir utilisé les suspects comme informateurs sur le mouvement néo-nazi.

Une inquiétude reprise par certains hommes politiques. Le chef du groupe parlementaire social-démocrate d'opposition SPD, Thomas Oppermann, affirmait ainsi dans l'édition dominicale du quotidien Bildqu'il allait demander une réunion extraordinaire de la commission de contrôle des services secrets du Bundestag. Le président de la commission parlementaire chargé de la politique intérieure, Wolfgang Bosbach, membre de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) de la chancelière Angela Merkel, a également fait part de son incompréhension. "Il faut expliquer comment il est possible que ce trio ait pu vivre pendant une dizaine d'années dans la clandestinité sans être inquiété", avait-il déclaré.

Le nouveau procureur général de la Cour fédérale - compétente en matière de terrorisme -, Harald Range a assuré lors de son investiture qu'il n'y avait aucune preuve d'une quelconque protection.

Lundi, Hans-Peter Friedrich, le ministre de l'Intérieur, a appelé à une "meilleure collaboration entre la police et les services de sécurité intérieurs". Il a reconnu dans Bild, le quotidien  le plus lu d'Allemagne, qu'il était "très préoccupant de constater qu'aucun lien n'avait été établi (à temps) entre les milieux d'extrême droite de Thüringe et la série de meurtres commis dans toute l'Allemagne".

Une "honte" pour l'Allemagne

La chancelière Angela Merkel a de son côté qualifié de "honte" pour l'Allemagne ces meurtres racistes. "Un terrorisme émanant de cette mouvance, (...) c'est honteux pour l'Allemagne et nous devons tout faire pour régler cette affaire", a-t-elle déclaré. Son parti a d'ailleurs déposé un projet de résolution afin d'"étudier les chances éventuelles de succès d'une procédure d'interdiction" du parti néonazi NPD, après un premier échec en 2003.

Enfin, Hans-Peter Friedrich a annoncé mercredi la création d'un fichier centralisé sur les néonazis jugés dangereux. Ce fichier permettra de rassembler "des données sur des extrémistes de droite et sur des violences d'extrême droite". Similaire au fichier central sur les islamistes déjà existant, il sera alimenté par la police et par les renseignements à partir du début de  2012 au plus tôt.