Concordia : le traumatisme, un an après

Un an après le naufrage du Costa Concordia, des souvenirs vivaces et une "peur" omniprésente hantent les rescapés.
Un an après le naufrage du Costa Concordia, des souvenirs vivaces et une "peur" omniprésente hantent les rescapés. © Reuters
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Frédéric Frangeul avec Stéphane Place et AFP , modifié à
RECIT - Un an après le naufrage, des souvenirs et une "peur" omniprésente hantent les rescapés.

Il y a tout juste un an, Anne Decré et sa famille avaient embarqué à bord du Costa Concordia pour une croisière de repos. Avec un seul mot d'ordre : se retrouver en famille après un récent deuil. Aujourd’hui présidente du Collectif des naufragés français du Concordia, qui comprend 360 membres, Anne Decré n’oubliera jamais le drame qui a marqué cette nuit. Energique, le verbe haut, elle déroule un récit émouvant et raconte au micro d'Europe 1 des "traumatismes au quotidien".

"Nous avons tous vécu le même traumatisme" :

L’impact. Le 13 janvier 2012, en début de soirée, "ma petite soeur était couchée" dans sa cabine du pont 8, se souvient Anne Decré, une brune de 42 ans. Avec ses parents, alors âgés de 65 et 75 ans, elle assiste au même moment à un spectacle de magie dans le théâtre du navire, sorte d'amphithéâtre réparti sur les ponts 3, 4 et 5. Tout à coup, vers 21H45, elle sent "un impact", comme un "tremblement".

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La panique. "Je me suis pris le verre de mon voisin, ça criait de partout", relate Anne Decré. Les lumières s'éteignent, se rallument : sur la scène, Anne aperçoit alors "la tête du magicien" : il était "gris, un gris que je ne connaissais pas". "Tout le monde courait, hurlait de partout". Elle monte alors rapidement les cinq étages pour rejoindre sa soeur. Rapidement, l'éclairage lâche, à l'exception des lumières d'urgence dans les couloirs ou les coursives. Dans la cabine, Anne s'éclaire avec son téléphone portable. Avec ses proches, Anne reste sur le pont 8 "trois quarts d'heure, une heure. Elle se souvient avoir distingué, "tout près" du navire, "une falaise" et un "cormoran", signe évident que le bateau est en train de s'échouer près de la côte. "J'ai dit à mes parents de prendre les gilets de sauvetage et on est redescendu au pont 4. Là, la panique...", se rappelle-t-elle. Le bateau était très "incliné", "il y avait énormément de monde".

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Le sauvetage. Les Decré finissent par embarquer dans une chaloupe, tout au bout du pont : "Mes parents étaient âgés" et l'équipage a fini par les prendre. C'est mon père qui a dit qu'il y avait ses deux filles", explique-t-elle en précisant que c'est grâce à lui qu'elle a pu monter avec sa soeur. Sa mère, très affaiblie par la perte récente de son fils, "ne pensait qu'à sauter. Je me suis dit que si elle sautait, elle mourrait", se souvient-elle encore. Une fois dans la chaloupe, ils mettront une demi-heure à regagner l'île toscane du Giglio.

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La culpabilité et le traumatisme. Anne Decré elle, ne cache pas son sentiment de "culpabilité" d'être montée dans le canot de sauvetage alors qu'il restait "des centaines de passagers sur le bateau". "Nous avons laissé sur ce bateau une partie de ce que nous étions avant", explique-t-elle au micro d'Europe1.

Un an après la catastrophe, des cérémonies sont organisées dimanche sur l'île du Giglio. Mais les plaies sont toujours à vif. A la tête du Collectif des naufragés français, Anne est bien placée pour le savoir, entre divorces, anxiolytiques et vies professionnelles erratiques... Et l'angoisse, omniprésente : "On a toujours peur de tout. Un plongeon dans une piscine, l'odeur de l'iode, un cri d'enfants..."