Carlos Ghosn : comment va se dérouler l'audience prévue mardi ?

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Carlos Ghosn est incarcéré au Japon depuis le 19 novembre dernier. © BEHROUZ MEHRI / AFP
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avec AFP , modifié à
Le PDG de Renault, en détention au Japon depuis le 19 novembre dernier, va comparaître mardi à sa demande devant un tribunal.
ON DÉCRYPTE

Carlos Ghosn va faire mardi à Tokyo (10h30 heure locale, 2h30 en France) sa première apparition publique depuis son arrestation le 19 novembre dernier. Ce rendez-vous est crucial pour le PDG de Renault, soupçonné de malversations financières, et qui va, pour la première fois, pouvoir faire entendre sa voix dans cette affaire. Arrêté le 19 novembre et détenu depuis, l'ancien boss de Nissan est contraint au silence, et, spécificité du droit japonais, ses avocats, qui ne peuvent pas assister aux interrogatoires et n'ont pas accès aux pièces du dossier, ne s'expriment quasiment pas.

En quoi consiste cette audience ?

Carlos Ghosn a obtenu cette audience après dépôt par ses avocats d'une requête en application de l'article 34 de la Constitution japonaise qui précise qu'une personne retenue peut exiger que le motif précis de sa détention soit exposé "lors d'une séance publique au tribunal". La justice ne peut refuser cette demande qui permet à l'accusé de comparaître en personne avec son avocat. La séance a été fixée à mardi.

Lors de cette audience, à laquelle vont assister le juge, les avocats de la défense et sans doute le procureur, l'industriel franco-libano-brésilien sera en théorie libre de dire "ce qu'il veut, jusqu'à ce que le juge lui demande d'arrêter", explique à l'AFP Yasuyuki Takai, ex-enquêteur de l'unité qui a arrêté le PDG de Renault en novembre dernier. En général, ce type d'audience dure environ un quart d'heure et ne dépasse jamais la demi-heure.

Très attendue, cette sortie publique du PDG de Renault n'est pas fondamentale d'un point de vue judiciaire. L'audience va porter sur les raisons de son maintien en détention et non sur les charges qui pèsent sur lui. Mais elle reste très importante pour l'accusé, et d'abord parce qu'elle est ouverte au public. "Puisque des personnes du grand public et journalistes seront présents, le fait pour Carlos Ghosn de croiser leur regard, de se montrer, même s'il ne peut pas leur parler, lui fera peut-être psychologiquement du bien, le rendra peut-être plus fort, mais pour lui c'est le seul avantage", estime Yasuyuki Takai. L'audience est publique, mais ne sera pas filmée, et quelques journalistes seulement y assisteront.

Comment Carlos Ghosn va-t-il se présenter ?

Selon l'ancien enquêteur, Carlos Ghosn "pourra apparaître dans la tenue qu'il veut, mais il sera menotté jusqu'à l'entrée dans la salle d'audience". Son fils a expliqué dans Le Journal du dimanche que son père porterait mardi "sa tenue de prisonnier" et serait "menotté". "Il aura dix minutes pour s'exprimer" et "il ne lâchera rien", a insisté Anthony Ghosn, 24 ans, qui a créé aux États-Unis une entreprise qui distribue des prêts immobiliers.

Pourquoi sa garde à vue est-elle aussi longue ?

Carlos Ghosn a été placé en garde à vue à son arrestation à la descente de son jet privé, le 19 novembre dernier. Celle-ci a duré 48 heures, puis a été prolongée de dix jours le 21, puis à nouveau le 30 novembre. Le 10 décembre, Carlos Ghosn a été mis en examen pour avoir omis de déclarer aux autorités boursières près de 40 millions d'euros de revenus entre 2010 et 2015. Parallèlement, une deuxième enquête, portant toujours sur une dissimulation de revenus, mais cette fois entre 2015 et 2018, a justifié l'extension de sa garde à vue. Enfin, le 21 décembre, les procureurs japonais ont ouvert une troisième enquête pour abus de confiance. Le dirigeant est soupçonné d'avoir fait couvrir par Nissan, dont il a été le PDG, des pertes sur des investissements personnels. La période de garde à vue relative à cette enquête se termine vendredi.

Selon son fils, "la seule condition de sa sortie est une confession". "Le paradoxe, c'est que la confession qu'on lui demande de signer est écrite exclusivement en japonais", or "il ne parle pas cette langue". Depuis son incarcération, il peut "dire au procureur qu'il conteste ce qu'on lui reproche, ou au contraire avouer et être libéré", souligne Anthony Ghosn, qui évoque la détermination et le "calme" de son père.

 Peut-il être libéré dès mardi ?

D'un point de vue légal, la possibilité d'une libération de Carlos Ghosn à l'issue de l'audience de mardi existe. Mais, selon Yasuyuki Takai, il n'y a "aucune chance qu'elle soit décidée". Celui que l'on a surnommé le "Cost killer" se trouve à la fois en garde à vue mais également en détention préventive après sa première inculpation le 11 décembre dernier.

Malgré tout, le patron de Renault pourrait être libéré d'ici peu. Mais plusieurs conditions doivent être remplies. La première est qu'une nouvelle garde à vue ne soit pas enclenchée. La deuxième est que son avocat dépose une demande de libération sous caution et que le tribunal l'accepte. Le procureur devrait sans aucun doute s'y opposer mais c'est le juge qui a le dernier mot. Le 25 décembre dernier, Greg Kelly, administrateur de Nissan arrêté en même temps que Carlos Ghosn, a ainsi été libéré sous caution contre l'avis du procureur.