Après le référendum, le Royaume-Uni se relève, vacillant

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Les Ecossais ont fait trembler le Royaume-Uni pendant quelques semaines. Ils n’ont finalement pas voulu de l’indépendance. Le pays doit maintenant se relever et tirer les leçons du référendum.

Ils ont voté ‘non’, au terme d’une âpre et surprenante campagne. Les Ecossais continueront donc à faire partie du Royaume-Uni, ont-ils décidé au cours du référendum du 18 septembre. Pourtant, les "Scotts" ont ouvert la boîte de Pandore et le Royaume-Uni ne peut pas fermer cette parenthèse et faire comme si elle n’avait jamais existé.

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Le Royaume réuni (et décentralisé). C’est avec une joie non dissimulée que le Premier ministre britannique a salué la victoire du ‘non’ au référendum. "Je suis ravi", a déclaré David Cameron devant la presse vendredi matin. Un ‘oui’ à l’indépendance aurait "brisé mon cœur", a-t-il appuyé. Pour réconcilier le Royaume finalement uni, le chef du gouvernement conservateur a rappelé la promesse de son parti, également signée par les travaillistes et les centristes libéraux du LibDem : étendre les pouvoirs du Parlement écossais en cas de maintien de la région dans le giron de Londres.

"Nous allons nous assurer que ces engagements soient entièrement respectés", a promis David Cameron vendredi. Il va même plus loin. Une réforme de la décentralisation a été annoncée pour Edimbourg, mais également Belfast, Cardiff et Londres bien sûr. Les quatre pays qui composent le Royaume-Uni vont donc profiter des retombées écossaises. Lord Smith of Kelvin, un Ecossais de Glasgow, est chargé d’étudier cette question et de déposer une ébauche de texte d’ici le mois de novembre, pour un vote, au plus tôt, en janvier de l’année prochaine.

Les finances, les impôts mais aussi la protection sociale devraient entrer dans les prérogatives des assemblées locales. Le Parlement écossais  se contentait jusque-là de domaines restreints, comme la santé, l’éducation, les transports, la justice ou encore l’environnement. Londres garderait en revanche la défense ou encore les affaires étrangères. "Nous nous dirigeons vers un modèle plus fédéral du Royaume-Uni", prédit Tony Travers, de la London School of Economics.

Rassuré, Cameron continue son numéro d’équilibriste. David Cameron se trouvait sur un siège éjectable qui ne tenait qu’au résultat du référendum. Mais si le Premier ministre peut s’estimer soulagé, il n’est pour autant pas tiré d’affaire. Avec cette promesse de décentralisation, le chef du gouvernement soulève la fameuse question de West Lothian. Formulée pour la première fois en 1979 par un député de la circonscription de West Lothian en Ecosse, elle pointe du doigt une anomalie de la vie politique britannique : comment se fait-il que des députés écossais de la Chambre de commune (l’assemblée nationale) puissent voter des lois qui concernent l’Angleterre et que des députés anglais ne puissent pas interférer dans les affaires écossaises, traitées au Parlement décentralisé d’Edimbourg ?

Avec plus de domaines tombant sous l’égide de l’Ecosse, Cameron devra probablement s’attaquer à cette épineuse question constitutionnelle alors que dans les rangs de son propre parti, des députés lui reprochent d’être allé trop loin dans les cadeaux post-électoraux, mais aussi d’avoir mal géré la campagne.

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Les indépendantistes entrés dans l’histoire. Certes, la défaite est cinglante pour Alex Salmond. Quelques heures après les résultats du référendum, le leader indépendantiste a annoncé sa démission de son poste de Premier ministre écossais.  Mais les indépendantistes du SNP s’avouent-ils pour autant vaincus ? Rien n’est moins sûr, selon Romain Pasquier, directeur de recherches au CNRS, professeur à Sciences-Po Rennes et spécialiste des régionalismes européens. "L’hypothèse d’une Ecosse indépendante, sans advenir immédiatement, reste plus plausible aujourd’hui qu’hier", analyse-t-il pour Europe 1. Dans son discours, Alex Salmond a laissé la porte ouverte au projet d’indépendance, estimant que les Ecossais n’en avaient pas voulu "à ce stade". David Cameron, lui, préférait l’idée d’avoir réglé la question "pour une génération" au moins.

Les promesses de Londres, en tout cas, seront scrutées de près par le Scottish national party, selon Romain Pasquier. "Si Londres traîne des pieds, le SNP affirmera ‘On vous l’avait bien dit’ et se retrouvera en position de force", envisage le chercheur. Le parti indépendantiste, en tout cas, a "réussi à faire peur aux trois partis traditionnels" britanniques. Un début de victoire qui fait des émules, considère Romain Pasquier.

Les Catalans, qui espéraient beaucoup de l’exemple écossais, voient en ce référendum une leçon de démocratie à brandir au visage de Madrid. Le gouvernement espagnol continue à refuser à la province séparatiste le droit à un vote sur leur auto-détermination. Le vote écossais "est une onde de choc pour les Etats-nations européens, où les tensions centre-périphérie sont exacerbées", analyse Romain Pasquier. Artur Mas, le président de l’exécutif catalan, a annoncé vendredi vouloir organiser un référendum le 9 novembre prochain. Avec ou sans l’accord de Madrid. 

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