Après Fukushima, l’exception française

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Assiya Hamza , modifié à
ZOOM - Le drame japonais a remis en cause le nucléaire dans de nombreux pays. Sauf en France.

25 ans après le profond traumatisme provoqué par la catastrophe de Tchernobyl, l’accident de Fukushima Daiichi, le 11 mars 2011, a rouvert le débat sur le nucléaire en Europe. Quelques semaines après le tsunami, l’Agence internationale de l'énergie (AIE) divisait même par deux ses prévisions de croissance de l'énergie nucléaire dans le monde. Un an après les lignes ont-elles vraiment bougé ? Que reste-t-il des politiques nucléaires sur le vieux continent ? Europe1.fr fait le point.

La France fait toujours confiance à l’atome

Outre la Grande-Bretagne, la France est le seul pays européen à ne pas avoir chamboulé sa politique énergétique. Avec 58 réacteurs nucléaires en activité, la France est au deuxième rang mondial, derrière les États-Unis, en matière d’équipement nucléaire pour la production d’électricité. 78% de notre électricité est ainsi d’origine nucléaire.

Si un audit général des installations a bel et bien été demandé par le gouvernement après le drame japonais, le message des pouvoirs publics est clair : le nucléaire ne comporte aucun risque en France.

"En Europe, il y a eu vraiment un électrochoc suite à Fukushima sauf en France", déplore Charlotte Mijeon, porte-parole du Réseau Sortir du Nucléaire. "Pour les dirigeants français, le nucléaire est un pouvoir qu’ils n’entendent pas remettre en question. C’est une question éminemment politique", analyse-t-elle.

La question du nucléaire s’est d’ailleurs invitée au cœur de la campagne présidentielle accentuant les lignes de fractures entre les candidats. Se posant en véritable héraut de l’atome, le président de la République a défendu "le progrès" face au "retour au Moyen-Age" lors d’une visite à la centrale de Tricastin dans la Drôme, en novembre. "Notre parc nucléaire constitue une force économique et stratégique considérable pour la France. Le détruire aurait des conséquences dramatiques", a alors ajouté Nicolas Sarkozy.

Preuve de cet attachement, le ministre de l’industrie Eric Besson a réaffirmé lors d’une visite à Fukushima Daiichi en février 2012 que la France continuait de "croire dans l'avenir d'un nucléaire avec les plus hauts standards de sûreté".

Dans l’opposition, la question divise. Le candidat socialiste François Hollande préconise de faire passer la part du nucléaire dans l’électricité produite de 75% à 50% d'ici 2025. Cela implique également la fermeture des centrales les plus anciennes comme celle de Fessenheim dans le Haut-Rhin.

Eva Joly, la candidate d’Europe-Ecologie-Les verts prône elle l’abandon pur et simple du nucléaire. "Il y a tous les dix ans une probabilité sur six d'accident en France, c'est comme si vous mettiez six balles dans le revolver et que tous les 10 ans vous tiriez une balle", a affirmé lundi Eva Joly qui s’était rendue en novembre au Japon. "Ignorer le risque, c'est se mettre la tête sous l'aile".

Ce désaccord a failli virer au psychodrame entre socialistes et écologistes. En novembre 2011, les négociations pour trouver un accord électoral en vue des scrutins présidentiel et législatif de 2012, avait failli tourner court en raison du combustible Mox. Les verts souhaitaient l’abandon de la filière, pas le PS. Au bout de 48 heures de polémique, un compromis avait finalement été trouvé.

L’Allemagne a ouvert  la voie

L’Allemagne est la première grande puissance à avoir renoncé à l’énergie nucléaire. Après avoir annoncé un moratoire de trois mois sur la prolongation de la durée de vie de ses plus anciens réacteurs nucléaires, le 30 mai 2011, le gouvernement d’Angela Merkel a finalement programmé l'arrêt définitif de ses 17 réacteurs : huit immédiatement et neuf d'ici 2022.

"Cette décision va être une expérience grandeur nature intéressante pour voir si l'Allemagne peut gagner son pari d'une transition énergétique accélérée vers un système électrique essentiellement fondé sur les énergies renouvelables", note l'économiste Patrick Criqui, directeur de recherche au CNRS.

L’Allemagne doit en effet trouver d’ici 2022 comment remplacer ses 22% d’électricité d’origine nucléaire. Une loi, votée le 30 juin à l’unanimité, prévoit que la part des énergies renouvelables doit passer de 17 % à 35 % en 2020 et 80 % en 2050. En attendant, la transition est assurée par des centrales au charbon et au gaz.

L’Italie enterre définitivement le nucléaire

Deux mois seulement après les Allemands, l’Italie a également tourné la page du nucléaire. 94,6% des Italiens ont dit "non"  par référendum à Silvio Berlusconi alors président du Conseil. Un véritable désaveu pour le Cavaliere qui avait bon espoir de réintroduire l’énergie nucléaire abandonnée en 1987 après la catastrophe de Tchernobyl. En 2008, lors de son retour aux affaires, Silvio Berlusconi avait fait de l’indépendance énergétique du pays une de ses priorités.

Le gouvernement italien, qui s'était fixé pour objectif de couvrir d'ici à 2030 un quart de ses besoins en électricité grâce au nucléaire, planche désormais sur une nouvelle stratégie énergétique. En 2010, 22,2% de l’électricité consommée en Italie provenait des énergies renouvelables.

Un signal politique fort en Suisse

Le gouvernement s’est fixé l’horizon 2034 pour sortir du nucléaire. Trois jours après le séisme au Japon, Berne a suspendu ses projets de renouvellement des centrales nucléaires. En mai 2011, le conseil fédéral a décidé de la mise à l’arrêt des cinq réacteurs nucléaires helvétiques à la fin de leur durée d’exploitation et, surtout, de ne pas les remplacer. Selon le plan du gouvernement, la centrale de Beznau I devra être découplée du réseau en 2019, Beznau II et Mühleberg en 2022, Gösgen en 2029 et Leibstadt en 2034.

Berne table notamment sur le développement de la force hydraulique et des nouvelles énergies renouvelables pour compenser l’énergie nucléaire.