A quoi ressemble Al-Qaïda aujourd'hui ?

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Solène Cordier
La nébuleuse terroriste a bien changé en un an, depuis la mort de Ben Laden le 2 mai 2011.

Un an après la capture et la mort d'Oussama Ben Laden, les revendications d'actes terroristes sont toujours légion dans certaines régions du monde.

La disparition de son leader emblématique a bien sûr contribué à transformer Al-Qaïda. Mais c'est surtout l'émergence des printemps arabes et les bouleversements régionaux qui s'en sont suivis qui ont modifié le champ de rayonnement de l'organisation.

Europe1.fr fait le point sur quelques caractéristiques fortes du réseau terroriste "version 2012" :

Une organisation étêtée... La mort de Ben Laden, le 2 mai 2011, a eu une forte portée symbolique, à la fois en Occident et dans le monde arabe.

Pour Léon Panetta, le secrétaire américain à la Défense, la disparition de cette figure emblématique, conjuguée à l'élimination d'un certain nombre de "leaders spirituels et idéologiques", a affaibli considérablement l'autorité centrale de l'organisation.

Selon plusieurs responsables américains, la direction historique d'Al-Qaïda, réfugiée entre l'Afghanistan et le Pakistan, n'est plus en mesure aujourd'hui de lancer des opérations de grande ampleur. Ils considèrent cependant qu'elle représente toujours "une menace".

Cette baisse d'influence n'est cependant pas nouvelle. Pour un responsable du renseignement américain, cet affaiblissement, dû en partie à l'élimination de ses cadres dans les frappes de drones américains au Pakistan, avait débuté "au moins deux ans" avant la mort d'Oussama Ben Laden.

Le Washington Postliste toutefois cinq leaders qui "menacent la sécurité des Etats-Unis" en 2012: Ayman al-Zawahri, successeur de Ben Laden à la tête de l'organisation, Abu Yahia al-Libi, devenu n°2 d'Al-Qaïda, Mollah Omar, leader des talibans, Nasser al-Wahishi, à la tête d'AQAP (Al-Qaïda dans la péninsule arabique)au Yémen et Ibrahim Hassan al-Asiri, responsable d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique.

… mais des ramifications régionales puissantes. Tandis que la tête de l'organisation était affaiblie, plusieurs branches régionales d'Al-Qaïda ont pris de l'ampleur ces derniers mois dans des zones stratégiques telles que le Sahel (en Somalie) et la péninsule arabique (en particulier au Yémen).

L'experte en terrorisme international Anne Giudicelli évoque même sur France 24 une "régionalisation" des activités d'Al-Qaïda.

Ce morcellement n'est là non plus pas tout récent. Depuis plusieurs années, Al-Qaïda sert de "label" à de nombreux groupes armés qui se revendiquent de l'organisation.

Il s'est toutefois accéléré au cours de l'année écoulée. Les États-Unis craignent ainsi des attaques des branches locales d'Al-Qaïda contre les intérêts américains dans le monde, en particulier Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) et la branche irakienne de l'organisation, qui pourrait profiter de l'instabilité en Syrie.

Les autorités américaines s'inquiètent moins, en revanche, des activités d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qu'elles voient davantage comme "une organisation criminelle cherchant à se financer en enlevant des étrangers que comme une vraie menace terroriste." Quatre Français sont entre les mains d'Aqmi depuis septembre 2010.

L'influence des Printemps arabes ? Les conséquences des révolutions arabes sur Al-Qaïda sont encore difficiles à mesurer, faute du recul nécessaire. Sur France 24, Anne Giudicelli relève malgré tout qu'elles ont sans doute eu plus de conséquences sur le réseau terroriste que la mort de Ben Laden elle-même.

"Les peuples arabes ont obtenu ce que rêvait de faire le groupe, c'est-à-dire faire tomber des régimes jugés proches des Occidentaux (…) Ce qui a dépossédé l’organisation de Ben Laden de l’un des objectifs fondamentaux sur lesquels il s’est construit", explique l'experte en terrorisme international.

Et de citer l'exemple du Yémen, dont le chaos politique a renforcé l'assise du groupe terroriste "pendant que le pouvoir était occupé à réprimer les manifestations". Un long reportage du journal britannique The Guardiandans ce pays raconte en effet de quelle manière les djihadistes déploient leur influence en  offrant à la population de l'eau et de l'électricité en l'échange de la mise en place de la charia.

Selon des hauts responsables américains, le "noyau dur" d'Al-Qaïda subit ainsi le contrecoup des printemps arabes, qui ont marginalisé, selon eux, les islamistes prônant la lutte armée.

La crainte d'un "loup solitaire". Cette expression, utilisée par un responsable anti-terroriste américain, fait référence à des individus isolés, à l'instar de Mohammed Merah en France ou du major Nidal Hassan, auteur de la tuerie de Fort Hood en 2009, qui se revendiquent d'Al-Qaïda.

Ils représentent la menace la plus forte en Etats-Unis et en Europe. "Des gens comme Merah, qui agissent seuls, qui acquièrent leurs armes dans leur coin, sont vraiment les cibles les plus difficiles à arrêter", précise ce responsable.