Vérités et contre-vérités sur la fiche "S"

© MEHDI FEDOUACH / AFP
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RENSEIGNEMENTS - Encore méconnues du grand public il y a un peu moins d'un an, les fiches S sont l'objet de nombreux fantasmes. 

L'un des terroristes présumés du Bataclan vendredi soir était suivi par les services de renseignement français. Omar Ismaël Mostefaï avait en effet déjà été condamné huit fois entre 2004 et 2010, sans être incarcéré une seule fois. Il faisait aussi l'objet d'une fiche "S" depuis 2010. Un point commun avec certains autres terroristes qui ont sévi en France ces dernières années. De Mohamed Merah, tueur au scooter de Toulouse, aux frères Kouachi, auteurs de la tuerie à Charlie Hebdo, en passant par Sid Ahmed Ghlam, arrêté au printemps pour avoir projeté un attentat de Villejuif, tous étaient aussi fichés "S".

>> Depuis les attentats de vendredi 13 novembre, ces fiches "S" sont devenues un enjeu politique. L'ancien président Nicolas Sarkozy souhaite assigner à résidence avec bracelet électronique toutes les personnes fichées "S". Laurent Wauquiez, député Les Républicains de Haute-Loire, a, lui, proposé "d'ouvrir des centres d'internement" pour placer ces personnes qui font l'objet de cette fiche.

C'est quoi exactement une fiche "S" ? La fiche "S", pour "sûreté de l'Etat", est l'une des 21 sous-catégories du plus ancien fichier de police : le Fichier des personnes recherchées (FPR), créé en 1969, pour recenser les personnes placées ou surveillées par les services de renseignement. La fiche "S" est donc un fichier de signalement. Il a pour but d’attirer l’attention des gendarmes, des policiers ou des douaniers lorsqu’ils réalisent un contrôle d’identité.

Combien de personnes ont une fiche "S" en France ? Après plusieurs estimations plus ou moins erronées ce week-end, le Premier ministre a choisi de rendre public le nombre de personnes qui font l'objet d'une fiche "S" dans le pays. "Il y en a 10.500", a précisé Manuel Valls sur RTL avant de nuancer : "ce qui signifie que certaines d'entre elles peuvent être créées sur la base d'un simple renseignement, non recoupé".

Ce sont seulement des terroristes ? Le fichier "S" est lui-même divisé en plusieurs sous-classifications (16 au total). Un décret de 2010 explique qu’il s’agit de "personnes faisant l’objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard". On y trouve donc des potentiels terroristes, mais aussi des activistes politiques ou des hooligans.

Que figure sur cette fiche "S" ? Le décret de 2010 nous apporte plus de précisions sur le contenu de ce fichier, délivré par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). L'état civil complet de la personne recherchée (nom, prénom, date et lieu de naissance, sexe, nationalité, pseudo), une photo et un signalement, les motifs de la recherche et la conduite à tenir en présence d'une personne fichée "S" sont renseignés sur ce fichier.

Une fiche "S" veut-elle dire que l'individu est coupable ? "Si on crée une fiche S, c’est qu’on a rien sur un individu et que l’on veut savoir si cela vaut le coup de lever le doute et de mettre des moyens opérationnels très lourds", a rappelé l'ex-chef du contre-espionnage français Bernard Squarcini, lundi matin sur Europe 1. Autrement dit, c'est une fiche de mise en garde. "À chaque contrôle policier ou de gendarmerie, elle ressort sur l'ordinateur des forces de l'ordre, mais pas de quoi déclencher une arrestation", expliquait en juin dernier Alain Rodier, directeur de recherche chargé du terrorisme au Centre de recherche sur le renseignement.

Existe-t-il un fichage pour radicalisation ? Selon des informations du Figaro, il existerait aussi le Fichier des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Toujours selon le journal, 11.400 personnes, à des échelons très divers, seraient dans ce fichier.

Pourquoi toutes les personnes fichées "S" ne sont-elles pas suivies ? C'est l'une des questions qui revient sans cesse depuis vendredi soir. Malheureusement, les forces de police ne sont pas suffisamment nombreuses pour assurer un suivi poussé des 10.500 personnes qui font l'objet de cette fiche "S". "Il existe autant d'individus à surveiller que d'agents de la Direction générale de la sécurité Intérieure (DGSI), il faut se rendre compte de cela", explique le juge antiterroriste Marc Trevidic dans les colonnes de l'Obs comme pour mieux souligner les limites du système de renseignements français.