"Vendetta" : comment deux journalistes ont enquêté sur le gang de la Brise de mer

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Pauline Rouquette

Invitée d'Europe 1, dimanche, pour présenter son livre-enquête "Vendetta : les héritiers de la Brise de mer", co-écrit avec Marion Galland, Violette Lazard est revenue sur l'histoire des fils de membres d'un gang mafieux corse décimé, dont la vengeance a été mûrie et préparée pendant huit ans contre le camp ennemi. Une enquête réalisée grâce à nombre de documents judiciaires "exceptionnels".

C’est l’histoire de truands, qui n’avaient pas forcément vocation à le devenir. Vendetta : les héritiers de la Brise de mer revient sur l’histoire extraordinaire d’un gang mafieux corse, décimé après une série de règlements de comptes à la fin des années 2000, mais qui se trouvent des héritiers. Co-auteure du livre, Violette Lazard, journaliste à L’Obs, a présenté, dimanche sur Europe 1, cette enquête qui lui aura valu menaces et intimidations.

"Une conspiration pour venger les pères"

L’histoire débute en 2009, lorsque François Guazzelli, pilier du gang de la Brise de mer, est assassiné, sous les tirs d’un ou plusieurs tireurs embusqués. Avant lui, quatre autres membres du gang ont été tués en l’espace de deux ans. Le groupe criminel est décimé, mais se trouve très vite des successeurs. Trois des fils des bandits assassinés reprennent en effet le flambeau de leurs pères, avec pour but commun de se venger de ceux qu’ils tiennent pour responsables.

Parmi eux, une étoile montante du football, Christophe Guazzelli. Après avoir été admis à Clairefontaine, il signe plusieurs contrats jusqu’à son contrat à Nantes qui lui aurait permis de devenir joueur professionnel. Si son père n’avait pas été assassiné entre temps. "C’est très caricatural", affirme Violette Lazard. "Son père meurt assassiné sur une route de Corse en novembre 2009 et, du jour au lendemain, on ne le reconnait plus", poursuit-elle, évoquant une descente aux enfers. "Il a renoué avec tous les autres fils, deux des anciens fondateurs de la Brise de mer, et il commence une conspiration pour venger les pères".

Leur vengeance sera mûrie et préparée pendant huit ans, passant par le banditisme et le trafic de drogue. Le but ? "Financer cette vendetta", explique Violette Lazard, qui dit avoir eu accès, lors de son enquête avec sa co-autrice, Marion Galland, à de nombreux documents judiciaires.

Écoutes enregistrées grâce à des micros dissimulés

L’enquête s’intéresse aussi au clan adverse, à qui la Brise de mer fait la guerre pour cette vaste histoire de vengeance, mais aussi pour des motifs financiers, les deux gangs s’opposant pour avoir une emprise économique et financière sur l’ensemble de l’île.

Là encore, Violette Lazard dit avoir eu accès à des documents exceptionnels, parmi lesquels la sonorisation de deux cellules dans laquelle Jean-Luc Germani, "l’un des voyous les plus redoutés", conseille Guy Orsoni, plus jeune mais déjà condamné à plusieurs reprises, lui donnant "des leçons de voyoucratie, de grand banditisme".

Infiltration de marchés publics, racket du casino d’Ajaccio… Ces écoutes, enregistrées en 2015 grâce à des micro dissimulés, ont été retranscrites dans le livre-enquête. La défense de Jean-Luc Germani a tenté d’obtenir la suppression de ces retranscriptions sur le fondement de recel de violation du secret de l’instruction et atteinte à la vie privée, mais le tribunal a rejeté la demande, déclarant que "l’interdiction d’un ouvrage en l’état est une mesure d’une exceptionnelle gravité pour la liberté d’expression".

Pour ce qui est de l’affaire des héritiers de la Brise de mer, Christophe Guazzelli est mis en examen dans une enquête ouverte pour "assassinat en bande organisée et tentative d’assassinat en bande organisée", dans l’affaire du double homicide d’Antoine Quilichini et Jean-Luc Codaccioni, assassinés en décembre 2017 sur le parking de l’aéroport de Bastia-Poretta. Il doit être jugé prochainement. "Je pense que ce n’est pas terminé", estime pour autant Violette Lazard, déplorant la voie choisie par les fils des mafieux de la Brise de mer. "Il y en a qui choisissent d’autres chemins, mais c’est illusoire de penser que ça va s’arrêter".