Terrorisme : le gouvernement veut des pouvoirs renforcés pour la police

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Chloé Pilorget-Rezzouk et A.C. , modifié à
Le gouvernement a transmis au Conseil d’Etat un projet de loi visant à renforcer les pouvoirs des parquets et des préfets pour lutter contre le terrorisme, en dehors de l’état d’urgence. 

Assigner à résidence, élargir les conditions des fouilles et des perquisitions ou encore assouplir les règles d'engagement des policiers armés. Pour mieux faire face à la menace terroriste, le gouvernement a préparé un projet de loi visant clairement à renforcer les pouvoirs policiers, révèle Le Monde, mardi. Le texte, transmis le 23 décembre 2015 au Conseil d’Etat, envisage notamment d’accorder des pouvoirs supplémentaires aux parquets et aux préfets et à la police, au détriment des juges d’instruction, indépendants. 

  • Concrètement, que dit le projet de loi ?

Il vise à renforcer "la lutte contre la criminalité organisée et son financement, l’efficacité et les garanties de la procédure pénale". Pour cela, le texte prévoit d'élargir les pouvoirs des forces de l'ordre et des préfets en matière de perquisitions, d'assignations à résidence, de fouilles de voitures ou encore d'utilisation de leurs armes par les policiers.

Le gouvernement souhaite ainsi "renforcer de façon pérenne les outils et moyens mis à disposition des autorités administratives et judiciaires, en dehors du cadre juridique temporaire mis en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence". 

  • Quelles sont les mesures clefs du texte ? 

L’usage des armes par les forces de l’ordre va être facilité. C’est une mesure qui était très attendue par les policiers et les gendarmes. D’après l’article 20 du projet de loi, les règles vont être assouplies : il ne sera plus nécessaire d’être en état de légitime défense pour ouvrir le feu sur « une personne venant de commettre un ou plusieurs homicides volontaires et dont il existe des raisons sérieuses et actuelles de penser qu'elle est susceptible de réitérer ces crimes dans un temps très voisin des premiers actes ».

Les contrôles d’identité et les fouilles de bagage renforcés. Les contrôles d’identité et les fouilles de bagages et véhicules à proximité "d’établissements, d’installations ou d’ouvrages sensibles" pourront être menés sur n’importe qui, sur simple autorisation du préfet, et non plus sur réquisition du procureur, comme c’était le cas jusqu’à présent. De plus, les personnes suspectées d’acte de terrorisme, même si elles ont leurs papiers d’identité sur elles, pourront être retenues pendant quatre heures sans pouvoir faire appel à un avocat.

Perquisitions de nuit. En ce qui concerne les perquisitions de nuit, jusqu’à présent décidées par le juge d’instruction, elles pourront désormais, d'après Le Monde, être effectuées dans le cadre des enquêtes préliminaires, avec l’accord du procureur. La base d’une simple suspicion pourra suffire, dans certaines conditions, pour les exécuter de façon préventive.

Les assignations à résidence seront désormais possibles, en dehors du régime d’exception de l’état d’urgence. Ainsi, les personnes de retour de Syrie ou soupçonnées d’avoir tenté de se rendre sur une terre de djihad pourront être assignées à résidence par le préfet - pendant un mois non renouvelable -, s’il n’existe pas assez d’éléments pour leur mise en examen. Durant six mois, elles pourront aussi subir des contrôles administratifs très resserrés sur leurs contacts et leurs déplacements. 

  • Qu’en pensent les magistrats ?

"Dans plusieurs mesures évoquées dans ce projet de loi, on écarte l’autorité judiciaire, le juge d’instruction, mais surtout le procureur de la République, et on donne tout pouvoir aux forces de l’ordre et aux préfets", a réagi sur Europe 1 Virginie Duval, présidente de l’Union syndicale des magistrats. "On est un peu dans un état d’urgence dans le droit commun", a-t-elle estimé. "On ne comprend pas pourquoi l’autorité judiciaire, les procureurs sont écartés pour les contrôles d’identité, les fouilles de véhicule… Là, on fait le choix de donner le pouvoir au préfet".

  • Quand va-t-il être mis en application ?

Selon le quotidien du soir, le texte ne pourra pas être adopté avant la fin de l’état d’urgence, fixée au 26 février. Et à la condition, qui plus est, qu’il ne soit pas prolongé.