Mort de Shaoyao Liu, tué à Paris en 2017 : non-lieu définitif pour le policier tireur

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La Chine avait également publiquement demandé que la lumière soit faite sur les circonstances du décès. (Illustration) © LOIC VENANCE / AFP
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avec AFP , modifié à
Par une décision tenant en quelques lignes, la plus haute juridiction judiciaire a mis un terme définitif en France à cette affaire qui avait déclenché la colère de la communauté chinoise lors de plusieurs manifestations d'une ampleur inédite. Shaoyao Liu, un père de famille chinois, a été tué en 2017 sous les yeux de ses enfants.

La légitime défense acquise : la Cour de cassation a clos mercredi un dossier de violences policières alléguées en entérinant le non-lieu accordé au policier qui avait tué en 2017 un père de famille chinois, Shaoyao Liu, sous les yeux de ses enfants, à Paris. "Après avoir examiné tant la recevabilité du recours que les pièces de procédure, la Cour de cassation constate qu'il n'existe, en l'espèce, aucun moyen de nature à permettre l'admission du pourvoi" : par cette décision tenant en quelques lignes, la plus haute juridiction judiciaire a mis un terme définitif en France à cette affaire qui avait déclenché la colère de la communauté chinoise lors de plusieurs manifestations d'une ampleur inédite.

Mort sous les yeux de ses enfants

La Chine avait également publiquement demandé que la lumière soit faite sur les circonstances du décès. Le 26 mars 2017 peu après 20 heures, des policiers de la brigade anti-criminalité (BAC) s'étaient rendus dans une cité du 19e arrondissement de Paris, alertés par un voisin qui avait signalé la présence de Shaoyao Liu, très agité et tenant à la main ce qu'il croyait être un couteau. Craignant un danger, les policiers, deux hommes et une femme équipés d'un fusil d'assaut et de pistolets, avaient enfoncé la porte du domicile. Une poignée de secondes plus tard, Damien V. tirait un coup de feu, touchant mortellement au cœur Shaoyao Liu, 56 ans, sous les yeux de ses enfants.

Selon la version des policiers, Shaoyao Liu venait d'agresser avec ses ciseaux le porteur du fusil d'assaut. "Il me plante !", aurait crié ce dernier, provoquant le tir de riposte de son collègue. Pour les enfants Liu, jamais leur père n'a porté la main sur personne : la lame était une paire de ciseaux, qui lui servait à écailler du poisson. Un voisin, témoin depuis le couloir, assure qu'il n'a jamais entendu les policiers crier "il me plante" avant le coup de feu. Interrogé par l'AFP, le témoin avait décrit une "intervention extrêmement violente et en décalage total avec la situation", par des policiers "peu en maîtrise".

Avocat "scandalisé"

Dans l'enquête ouverte pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", le policier auteur du tir n'avait pas été mis en examen mais placé sous le statut intermédiaire de témoin assisté. La famille avait fait appel de l'ordonnance de non-lieu rendue le 11 juillet 2019, puis formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris de novembre 2020 confirmant cette décision. Mercredi, Me Pierre Lumbroso, avocat de la famille, a indiqué qu'il "attend avec impatience de saisir la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour faire condamner l'État français sur le fondement de l'absence de procès équitable" dans cette "procédure honteuse".

Alors que la Cour de cassation a condamné la famille Liu à payer 2.500 euros au policier au titre des frais de justice, Me Lumbroso s'est dit "absolument scandalisé", d'autant que cette famille n'a selon lui "pas un sou" et que le policier serait "fautif". M. Lumbroso a engagé une action parallèle devant le tribunal judiciaire de Paris, dans laquelle un juge des référés à Paris a ordonné en octobre 2020 une expertise pour déterminer l'ampleur du préjudice subi par la veuve Liu et ses quatre enfants, préalable à une action en responsabilité de l'État pour faute lourde. L'avocat espère un retour prochainement de l'expertise.

De son côté, l'ancien Défenseur des droits Jacques Toubon avait recommandé des sanctions disciplinaires contre les policiers pour leur "manque de discernement" et la mauvaise prise en charge des enfants, retenus deux heures sans assistance après le drame. "Je me félicite du caractère définitif du non-lieu dans cette affaire, évidemment triste avec la mort d'un homme, mais où la légitime défense était parfaitement caractérisée", a réagi de son côté Me Anne-Laure Compoint, avocate du policier Damien V.