Il avait tué ses frères et son père : la tuerie de Bozel aux assises

 Jordan Lenisa Bozel
  • Copié
AW avec AFP , modifié à
Jordan Lenisa, 27 ans, est jugé à partir de lundi pour avoir tué en 2012 son père et ses petits frères pour des motifs troubles.

La tuerie au sein d'une famille apparemment sans histoires avait provoqué la sidération dans la vallée du Doron, en Tarentaise. Trois ans après avoir abattu son père et ses petits frères et tenté d'étrangler sa mère, Jordan Lenisa, 27 ans, est jugé à partir de lundi et jusqu'au 9 octobre par les assises de la Savoie. Pour la première fois depuis les faits, Jordan sera confronté lors du procès à sa mère et à sa soeur. Jugé pour assassinats et tentative d'assassinat, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Que s'était-il passé ? Le 26 juillet 2012, alors âgé de 23 ans, Jordan Lenisa abat, d'une balle dans la tête, son père Florent, 49 ans, ainsi que ses frères Benjamin, 17 ans, et Victor, qui allait fêter ses 8 ans le lendemain.

Après ces trois premiers meurtres, le jeune homme s'en prend à sa mère, sortie acheter des cadeaux d'anniversaire. A son arrivée au vaste chalet familial dans le petit village de Bozel, près de la luxueuse station de Courchevel, il l'avait aidée à décharger sa voiture, avant de tenter de l'étrangler, de l'étouffer avec des coussins et de lui porter un coup de bûche à la tête. Mais la mère de famille était finalement parvenue à s'extirper de l'emprise de son fils, à le calmer et à appeler les secours.

Un scénario prémédité ? Décrit comme accro aux jeux vidéo, mythomane et fainéant, Jordan Lenisa a reconnu avoir envisagé dès la veille de passer à l'acte. Il avait aussi relaté le scénario des tueries à des amis, sur le ton de la boutade, le soir en question. Il avait en outre fait des recherches explicites sur internet, notamment celle-ci : "peut-on mourir d'une balle dans la tête ?".

Des explications obscures. Le mobile du jeune homme reste assez trouble. "J'ai pété les plombs, j'ai fait la grosse connerie de ma vie", a-t-il dit à un oncle juste après le drame. Mais le jeune homme a d'abord accusé un couple d'amis, rencontré dans la communauté des jeux vidéo, de l'avoir incité à éliminer ses parents pour toucher l'héritage. Puis il avait parlé d'un homme dangereux et armé l'ayant contraint à passer à l'acte, avant d'évoquer la jalousie vis-à-vis de ses frères.                 

Un contexte familial. Son avocate, Me Florence Vincent, entrevoit elle une "énorme détresse": "il était dans une dérive, il se sentait délaissé, dénigré, abandonné, à tort ou à raison". Surtout, le jeune homme "ne se sentait pas à la hauteur de son père", pointe l'avocate. Il l'appelait son "idole" tout en ayant des mots très durs avec lui.

Parfois décrit comme un "bourreau de travail", Florent Lenisa avait fait fortune en brevetant un procédé d'isolation des murs et façades baptisé "XL Mat" et était propriétaire de deux Ferrari et d'un Porsche Cayenne. Il ne supportait plus l'oisiveté et les mensonges à répétition de son fils et lui avait fixé un ultimatum au 31 août, le menaçant de lui couper les vivres s'il ne trouvait pas de travail d'ici là. "La perspective de tout perdre a dû faire basculer les choses", estime Me Vincent.

Dépression et tentatives de suicide. Jordan posait depuis longtemps des difficultés à ses parents. Hospitalisé à trois reprises en milieu psychiatrique, il avait fait plusieurs tentatives de suicide et avait été condamné pour agression sexuelle en réunion en 2008. Quelques mois avant le drame, il était resté enfermé plusieurs semaines dans son appartement au cours d'une sévère dépression.

A cela s'ajoutait une addiction à Dofus, un jeu de rôle en ligne multijoueurs : Jordan disait pouvoir y jouer 48 heures d'affilée sans manger ni dormir. "On a l'impression d'un gamin habité par ce monde virtuel. La veille des faits, il y a passé toute la nuit", souligne son avocate.