Essai clinique mortel : "on veut savoir ce qui s'est passé"

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Les proches du patient décédé après un essai clinique d’une molécule du laboratoire portugais Bial, testée à Rennes, dénoncent des failles dans le protocole.

Il souhaitait "aider la science" et laisse derrière lui une compagne et quatre enfants. Guillaume Molinet faisait partie des six volontaires, participants à l’essai clinique d’une molécule du laboratoire portugais Bial, testée à Rennes. Il est mort le 17 janvier à l’âge de 49 ans. Quatre autres participants présentent, eux, des lésions cérébrales sévères. Défendue par Me Jean-Christophe Coubris, la famille de Guillaume Molinet a déposé plainte contre X au pôle santé du tribunal de grande instance de Paris. Ses proches souhaitent comprendre pourquoi cette molécule "BIA 10-2474", qui avait principalement des visées antidouleur, a été à l’origine d’un tel drame.

"Guillaume était en excellente santé". Pour Guillaume Molinet, il s’agissait de son premier essai clinique. Une démarche qu’il a entrepris par "curiosité", rapporte son frère, Laurent. "Le 23 décembre, avant les fêtes, il m'a dit qu'il voulait faire pour la première fois de sa vie un essai clinique. J'ai tenté de le dissuader d'y aller. Mon feeling me disait que ce n'était pas bon. Il y avait ces histoires d'effets secondaires des médicaments dont on entend parler, et aussi l'affaire du Mediator", rappelle Laurent, dans une interview au Parisien. Mais les réticences de ce dernier ne dissuadent pas Guillaume de se lancer dans "l’aventure". "Lui pensait qu'il n'y avait aucun risque", se souvient Laurent.

A l’origine, Guillaume ne devait être que "remplaçant" dans ces essais, au cas où les six volontaires "titulaires" se désistent ou ne présentent pas les conditions physiques nécessaires. Mais après des examens médicaux, l’un des six patients pressentis a été recalé, au profit de Guillaume, déclaré apte et en parfaite santé. "Guillaume était en excellente santé. Il prenait soin de lui. On a dit aussi qu'il avait eu un traumatisme crânien... mais il avait 6 ans ! Ça n'a rien à voir", balaie d’un revers de main Laurent.

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Lui pensait qu'il n'y avait aucun risque

"On voyait tout de suite que c'était très grave". Les premiers jours d’essai se déroulent sans la moindre complication. Au fil des jours, les doses administrées aux "testeurs" augmentent. Au cinquième jour de test, Guillaume est transféré à l’hôpital pour de très graves complications au niveau cérébral. "Je me suis rendu à l'hôpital le mercredi 13 janvier. J'ai discuté avec les médecins. On voyait tout de suite que c'était très grave. La seule chose que l'on nous disait, c'était qu'il avait encore des activités cérébrales. On était catastrophés. Le lendemain, on nous a annoncé sa mort cérébrale", raconte Laurent. Le décès de Guillaume est constaté quatre jours plus tard.

Des doses trop importantes ? Depuis, des enquêtes judiciaires et sanitaires ont été ouvertes. Selon les derniers éléments de ces enquêtes, la molécule du laboratoire portugais Bial est bien la cause de l'accident mortel. Plusieurs experts ont par ailleurs pointé l’âge trop élevé de certains volontaires pour ce type de tests (jusqu'à 49 ans) et que certains présentaient des facteurs de risque "vis-à-vis de certains effets indésirables médicamenteux" qui auraient dû conduire à les écarter. Les spécialistes s'étonnent aussi que la molécule BIA 10-2474 ait été administrée aux volontaires à une dose plus de dix fois supérieure à celle censée être nécessaire que le produit soit susceptible d'apaiser la douleur et l'anxiété.

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Il y a beaucoup de choses qui lui ont été cachées

"Nous avons besoin de comprendre". La famille de Guillaume a organisé vendredi une conférence de presse pour demander plus de transparence à la justice sur l’avancée de l’enquête et les causes de cet accident médical. "On veut savoir ce qui s'est passé. Le laboratoire Bial cache-t-il des choses ? Comment est-il possible d'autoriser l'administration de doses aussi élevées ? Nous avons besoin de comprendre", lâche le frère de Guillaume au Parisien.

"Il y a beaucoup de choses qui lui ont été cachées. Il n’aurait certainement pas pris la même décision s’il avait tout su. Quel est le véritable but de ces essais sur cette molécule qui a été abandonnée par d’autres parce qu’elle n’ait pas d’effet. Le fait que des animaux sont morts suite à ces essais. On ne savait pas", alarme Florence, la compagne de la victime au micro d’Europe 1. Selon l’avocat des proches des victimes, Me Courbis, le laboratoire a mis trop de temps à réagir aux symptômes inquiétantes des volontaires au test.