Air Cocaïne: Christophe Naudin, l'expert en sécurité devenu Robin des bois

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M.D avec AFP
Expert en sûreté aérienne, habitué des plateaux télé, Christophe Naudin se retrouve en prison en République dominicaine pour avoir participé à l'exfiltration clandestine des deux pilotes d'"Air Cocaïne", qui devait, dit-il, réparer un "déni de justice".

Au départ, ce Français de 52 ans n'intervenait dans cette sombre affaire qu'en tant qu'expert. A la demande des avocats des pilotes Bruno Odos et Pascal Fauret, arrêtés le 20 mars 2013 avec leurs deux passagers sur l'aéroport de Punta Cana avec 680 kilogrammes de cocaïne à bord de leur Falcon 50, il devait témoigner pour expliquer que, selon la réglementation internationale, les pilotes n'ont pas à contrôler les bagages de leurs passagers.

Sollicité dans le monde entier. Pilote militaire de formation, reconverti pour raisons de santé, Christophe Naudin est un spécialiste reconnu, qui a mis en lumière dès les années 2000 les failles de sécurité des aéroports en embarquant avec des armes dans ses bagages. Sa silhouette bonhomme et son visage rond sont connus des téléspectateurs qui le voient régulièrement dans les médias sur les questions de sûreté aérienne et de fraude identitaire. Les aéroports du monde entier le sollicitent pour des audits de sécurité.

Personne ne soupçonnait que ce père de deux enfants de 20 et 18 ans puisse participer à une opération clandestine digne d'un film d'action pour ramener de l'autre côté de l'Atlantique les deux pilotes, des anciens de l'Aéronavale comme lui.  "Ça ne m'a pas totalement surpris parce qu'il a une personnalité qui l'amène à s'engager pour des causes qu'il trouve justes. Je l'ai déjà vu s'investir pour des victimes d'usurpation d'identité", explique Michèle, sa femme depuis bientôt 25 ans. "Mais il n'avait jamais fait ce genre d'opération, avec un tel engagement... Il était convaincu de leur innocence et profondément choqué par le fonctionnement de la justice dominicaine".

"Un côté chevaleresque". "C'est un affectif, avec un côté chevaleresque", ajoute Christophe Lekieffre, conseiller parlementaire (UDI) et ami de 15 ans qui mène aujourd'hui son comité de soutien. Son passage à l'acte ne fait pas l'unanimité. "Ce n'est pas son rôle", estime un de ses confrères universitaires. "C'est du Robin des Bois. Ce n'est pas quelqu'un de malhonnête mais il n'a pas compris qu'on ne vit plus au temps des chevaliers".

Plus surprenant, deux jours plus tard, Naudin rend publique sa participation à l'opération, expliquant avoir "fait le travail de l'Etat". Son témoignage sert aujourd'hui de base aux accusations de la justice dominicaine contre lui.
"Le défaut de Christophe, c'est un besoin de reconnaissance médiatique", estime le criminologue Alain Bauer, qui l'a cotoyé à l'université Paris II: "Je comprends son engagement et qu'il aille au bout avec un acte militant. Mais se précipiter à la radio pour dire "c'est moi qui l'ai fait", transformer un acte humanitaire en acte publicitaire, est une question".
"Il y a été contraint", défend Christophe Lekieffre : "Alors que les pilotes n'étaient pas encore rentrés en France, des journalistes appelaient en disant "On a des photos sur un bateau, il y a Christophe Naudin". Et dans les médias, c'est : "Des barbouzes du Front National ont organisé l'exfiltration". Christophe dit :"Je ne suis pas au FN, je ne suis pas un barbouze" et il va expliquer aux médias ce qui s'est passé".
Certains membres de l'opération sont en effet liés au FN, comme le député européen Aymeric Chauprade et Pierre Malinowski,qui était alors attaché parlementaire de Chauprade et Jean-Marie Le Pen. Naudin est "très attaché à son pays mais profondément républicain" et "plutôt centriste", assure sa femme. Son expertise l'avait mené dernièrement en mission à l'aéroport du Caire, dans un pays que ce passionné d'égyptologie affectionne. 

Mais qui l'Egypte l'a extradé en République dominicaine où il doit désormais affronter la justice qu'il a bravée. Ses proches redoutent le pire alors qu'il est sous traitement pour des problèmes cardiaque, hématologique et thyroïdien.  "Il m'a dit "Je pense que je vais finir là-bas"", confie sa femme. "Sa force est aussi sa faiblesse: il peut être très fort, mais s'il sent que tout le monde le lâche, et notamment son pays, j'ai peur qu'il arrête de se battre".