Berck-sur-Mer : "elle s'est suicidée par procuration"

© DR
  • Copié
M.-A.B. avec Mickaël Frison et Thomas Sotto
Hélène Romano, psychothérapeute spécialisée dans le psychotraumatisme, revient sur le drame de Berck au micro d'Europe 1.

Elle avait choisi Berck, la station balnéaire de la Cote d'Opale, parce que le nom sonnait "triste". Ce jour-là Fabienne, 36 ans, avait décidé d'en finir avec Adélaïde, sa petite fille de 15 mois. La nuit venue, elle l'a donc laissé vivante, sur la plage, alors que la marée montait. Une fillette qu'elle aimait profondément mais dont elle n'arrivait plus à s'occuper au quotidien, murée dans la solitude. Ce n'était "pas compatible avec sa vie de couple", selon ses déclarations aux enquêteurs. Mise en examen pour assassinat, elle dort désormais en prison depuis samedi. Comment expliquer le geste de cette mère décrite par son avocate comme une femme "très intelligente" ? Hélène Romano, psychothérapeute spécialisée dans le psychotraumatisme, experte auprès des tribunaux, était l'invitée d'Europe 1 lundi. Elle nous éclaire sur le comportement de cette mère.

Comment expliquer le geste de cette femme ? "Pour comprendre le geste de cette femme, il faut rappeler que devenir parent est une révolution dans l'économie psychique. Il va falloir s'ajuster en permanence à cet enfant. Il s'agit d'un accordage affectif très compliqué pour certains parents qui vont être en vraie souffrance dans ce lien parental. Des parents n'y arrivant pas et, se sentant impuissants et dépassés, vont tuer leur enfant. Cette mère est à l'image de certaines mères que l'on retrouve en cour d'assises : bien insérée, bon niveau intellectuel, bonne situation, mais dans le niveau psychique, dans le processus maternel, elles sont toutes seules", explique la psychothérapeute. 

>> Hélène Romano : "elle s'est suicidée par procuration"

Drame de Berck-sur-mer : "Cette femme s'est...par Europe1fr

• Cette femme ne semble pas souffrir de folie. "Non, il semble qu'elle ait bien préparé son geste. Elle a tué sa fille à distance, loin du domicile. C'est très important au niveau du mode opératoire. Elle accède quand même à une certaine culpabilité, ce qui n'est pas le cas de toutes les mères, ce qui l'humanise", analysé Hélène Romano.

• Comment expliquer son absence de réaction en voyant sa fille se noyer ? "Le lien maternel est court-circuité, c'est un déni d'altérité. Ce n'est plus sa petite fille qu'elle voit mais un objet ! Le lien qui la lie à l'enfant est sectionné. Si personne d'extérieur n'est là pour le restaurer, tout est possible. Il est possible qu'elle commence à réaliser ce qu'elle a fait. Il est possible qu'elle ait bien réfléchi avant, sans trouver d'autre issue : l'enfant devient comme une dette, c'est comme un suicide personnel. Elle se suicide en tant que mère, elle met fin à sa vie de femme en partie. Elle se suicide par procuration : c'est une mort psychique à deux niveaux", poursuit la spécialiste.

• La prison est-elle la solution ? "Ce n'est pas que la solution. Il faut acter les choses au niveau judiciaire quand un enfant est tué, mais il sera aussi très important de travailler avec elle, faire un travail thérapeutique, comprendre, mettre des mots, mettre du sens. Dans mon travail, j'essaie d'humaniser la rencontre pour essayer de comprendre. Si on les voit comme des monstres, on va rester à côté de leur logique psychique", conclut Hélène Romano.