"Les auteurs qui se regardent écrire n’apportent pas d’évasion"

© Philippe Matsas
  • Copié
Victor Nicolas , modifié à
Françoise Bourdin dévoile ses goûts et parle de ses romans.

Vous allez faire partie du jury de professionnels du Prix Relay des voyageurs. Quelle est votre réaction ?

C’est une belle surprise. On a parfois l’impression que cela tombe toujours sur les mêmes. Le jury n’est pas trop convenu, ce qui va nous donner l’occasion de discuter et d’entendre des opinions diverses. C’est très bien fait car nous recevons un livre par mois, ce qui nous permet de le lire véritablement. Il n’y a rien d’artificiel. C’est une grande justice pour un prix littéraire. Quand on voit la rentrée littéraire et son nombre incalculable de livres il  y a de quoi se poser des questions.

Êtes-vous sensible à ce que les ouvrages soient sélectionnés par des lecteurs ?

Oui, ça me parle. Je n’ai pas un grand amour pour les romans français actuels parce qu’il n’y a parfois pas d’histoire. Or dans le premier ouvrage que j’ai reçu, 06h41 il y a une vraie histoire. Ca ne m’étonne pas que le lecteur ait apprécié, car il aime lire une histoire. Il en a assez qu’on ne raconte rien. Les auteurs qui se regardent écrire n’apportent pas grand-chose en termes d’évasion.

Aujourd’hui vous vivez dans un village perdu entre les collines et la vallée de la Seine. Ce cadre est-il important pour vous ?

Je suis née à Paris, mais j’ai eu un gros coup de ras-le-bol de la ville. C’est avec plaisir que j’y reviens pour voir mon éditeur, mes filles et pour faire du shopping. Mais je vis dans une immense tranquillité. Si je n’ai pas envie d’écrire je n’ai qu’à partir avec mon chien. Je ne monte plus à cheval, mais dans le champ mitoyen se trouve celui avec lequel ma fille a participé à des concours. C’est un cheval de très grande qualité avec qui j’ai vécu de très grandes sensations. Quand ma fille a repris le flambeau j’étais très contente de l’accompagner. Mais je ne monte plus, car c’est tout de même risqué, étant donné que j’ai un peu besoin d’adrénaline.

D’où vous vient ce besoin d’adrénaline ?

L’activité d’écrire est calme, il faut donc rompre cette tranquillité et aller s’exposer dehors. Aujourd’hui je fais beaucoup de parcours d’obstacles, j’ai besoin de cet exercice physique. Mon chien m’accompagne, je lui indique le parcours à faire (rires).

Vous avez publié votre premier roman à l’âge de vingt ans…

Oui, chez Julliard. Marcel Julliard m’a dit : « Je ne peux pas dire que j’adore ». Mais il voulait m’avoir dans sa maison car il pensait que j’écrirai un jour de bons romans.

Plus tard vous avez travaillé comme scénariste pour la Tv. Mais vous trouviez cela trop contraignant ?

Il y a beaucoup de contraintes. Tout est formaté par rapport à la liberté dont bénéficie un romancier. C’est un travail collégial, cela permet de lancer des idées rapidement, et cela a donné de la nervosité à mon écriture. Mais il y a trop de freins à la télévision.

Vous dîtes que l’émotion la plus violente c’est de mettre un point final au livre que vous rédigez…

C’est une grosse émotion et un gros déchirement. Quand j’ouvre mon ordinateur pour écrire c’est jubilatoire. J’y pense tout le temps, on est tout le temps en compagnie de ces personnages fictifs. J’ai écrit une saga en deux tomes Le secret de Clara et L’héritage de Clara. Quand je l’ai terminée j’étais dans une véritable tristesse comme si j’avais enterré quelqu’un. Quand on écrit un roman ce n’est pas dans les premières pages que ça se fait. Au fil des pages l’écriture devient plus facile, tout comme les dialogues.

Concernant vos goûts de lectrice, vous dites avoir dévoré tous les classiques…

Oui quand j’étais jeune mon père possédait une très grande bibliothèque. Je les lisais pendant des étés interminables : Giono, Colette, Mauriac, etc. Ils ont sûrement déclenché une envie d’écrire. Ces auteurs savaient bien écrire sur la famille et à l’époque on n’appelait pas cela de la littérature populaire.