Le journal de l'économie de Martial You

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Martial You consacre sa chronique aux faillites en série des banques américaines. Dans Europe 1 matin, avec Aymeric Caron.

Week-end meurtrier pour les banques américaines. En quelques heures, 5 établissements ont mis la clé sous la porte, ce qui porte à 77, le nombre de faillites bancaires depuis le début de l'année, aux États-Unis. On croyait pourtant que les choses allaient mieux.

Mais c'est justement parce que les choses vont mieux que l'on est en train de solder les comptes. En clair, dans les banques aussi, on prépare la rentrée des classes et pour réussir une bonne année, on met tous les bons élèves ensemble et on renvoie les plus mauvais, on exclut du système les derniers canards boiteux. Car, aux États-Unis, il y a désormais deux catégories de banques : les 19 grandes banques d'affaires, soutenues à coup de milliards par l'État américain et que l'on appelle les établissements à risque systémique, c'est-à-dire des banques qui aggraverait la crise si elles faisaient faillite. C'est ce qui s'était passé en septembre avec Lhemann Brothers. Pour elles, le ciel s'éclaircit, les marchés financiers repartent et elles ont les équipes pour générer rapidement des profits. C'est bien pour cela qu'on voit revenir les bonus ! L'autre catégorie est beaucoup plus à la peine. Il s'agit des banques régionales qui ne sont pas les plus performantes pour générer des profits sur les marchés financiers mais qui sont en première ligne pour affronter la crise de l'économie réelle. Ce sont ces banques qui ont prêté de l'argent aux particuliers pour acheter leurs maisons ou aux PME qui tournent au ralenti. Bref, ce sont les banques qui accumulent les défauts de paiements et les créances douteuses.

Du coup, ce week-end, on a assisté à la plus grosse faillite bancaire de l'année aux États-Unis !

Dans une indifférence quasi-générale ! Il s'agit de la Colonial Bank, très implantée dans le sud des États-Unis. La plupart de ses 25 milliards d'actifs sont repris par la BB&T, une autre banque régionale qui réalise sa plus grosse acquisition en 137 ans d'existence et qui se hisse ainsi dans le groupe des 10 plus grosses banques américaines, au niveau d'un établissement comme Goldman Sachs, s'il vous plait ! C'est pour cela qu'on parle peu de cette faillite. Il y a eu 77 défaillances cette année (du jamais vu depuis 1982), mais d'après l'agence Bloomberg, on devrait en connaitre encore autant dans les prochains mois. Les banques ont subi une sorte de "crash test" virtuel, pour déterminer quelles sont les plus fragiles. On sait maintenant lesquelles sont potentiellement à racheter et le mouvement va se poursuivre. C'est ce qu'on appelle la sélection naturelle, la crise n'est pas mauvaise pour tout le monde.

La crise serait-elle en train de créer de nouveaux monstres bancaires ?

Oui, honneur aux vainqueurs et dans la crise que nous venons de vivre, comme dans les jeux du cirque, le vainqueur est celui qui reste debout, peu importe dans quel état. Ave Dollar, ceux qui vont mourir te saluent ! BB&T a été relativement épargnée par la crise, c'est vrai. Elle a même été l'une des premières à rembourser l'État, en juin, pour pouvoir, de nouveau, agir comme elle l'entend. Car tout l'enjeu de ces établissements est là. Comme des enfants ingrats, après avoir été obligés de rentrer se mettre à l'abris dans le giron de l'État, ils n'ont plus aujourd'hui, au moment où l'activité repart, qu'une seule envie : retourner dehors à la chasse aux profits et aux bonus. Boulimiques, ils recherchent, de nouveau, la taille critique. Pragmatiques, ils recherchent, de nouveau, à débaucher les meilleurs traders. La britannique Barclay's aurait ainsi proposé 35 millions d'euros de bonus à 5 traders vedettes de JP Morgan pour les faire venir à Londres. Voilà qui va rendre le prochain sommet du G20 à Pittsburg passionnant car la seule solution est entre les mains des politiques, devenus les défenseurs de la morale et de l'opinion publique. Le ministre des Finances britannique envisage désormais de légiférer pour interdire les bonus garantis et sanctionner les prises de risques inconsidérés des traders. C'est une piste qui pourrait faire école, comme le plan de soutien aux banques de Gordon Brown, à la fin de l'année dernière, avait inspiré le plan européen.