Le journal de l'économie de Martial You

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Martial You consacre sa chronique aux nouveaux troubles que connaît la Société générale. Dans Europe 1 matin, avec Aymeric Caron.

Dans le contexte de polémique autour des bonus que les banques françaises sont en train de verser à leurs traders, voilà que ressurgit l'ombre de l'affaire Kerviel. Jean-Pierre Mustier, l'ancien patron du trader à l'origine de la perte de 5 milliards, est poursuivi par le gendarme de la bourse pour délit d'initié.

À l'époque flamboyante des traders-roi, c'était il y a deux ou trois ans pas plus, Jean-Pierre Mustier était considéré comme un des plus brillants financiers de la place de Paris. Polytechnicien et diplômé de l'école des Mines, comme il se doit pour faire carrière à la Société Générale, il était présenté comme le dauphin désigné de Daniel Bouton pour prendre la tête de la banque où il a toujours travaillé depuis sa sortie de l'école en 1986. Mais, tout cela, c'était avant l'affaire ou plutôt l'ouragan Kerviel et la crise des subprimes. Jean-Pierre Mustier est poursuivi pour "manquement d'initié" et risque une amende car en août 2007, il a écourté ses vacances pour revendre. Été 2007, c'est le moment où un hedge fund a déclaré qu'un de ses fonds, fortement chargé en valeurs immobilières, ne valait en fait plus rien. La bombe "subprimes" venait d'éclater et Jean-Pierre Mustier, en fin connaisseur des marché, a tout de suite senti le risque. Il a soldé tout son porte-feuille et a vendu la moitié de ses actions Société Générale. Bilan de l'opération : 50 à 200.000 euros de plus value. Ce que l'Autorité des marchés finançiers (AMF) cherche à savoir, c'est si Jean-Pierre Mustier savait à quel point la Société Générale était exposée aux subprimes. Dans ce cas, il aurait bénéficié d'informations privilégiées, c'est ça le délit d'initiés

Jean-Pierre Mustier était l'ancien patron de Jérôme Kerviel, et depuis, il était un peu à l'écart.

Il avait quitté la tête de la banque d'investissement et devait partir de la Société Générale avant la fin de l'année. Il a donc anticipé son départ. C'est vrai que l'affaire Kerviel a été son boulet. D'ailleurs, un administrateur de la banque est lui aussi poursuivi car il a cédé ses actions Société Générale juste avant que n'explose l'affaire Kerviel. Bien sûr, il y a toujours la présomption d'innocence qui prévaut. Jean-Pierre Mustier a d'ailleurs commencé à se défendre en disant qu'il s'était délesté de ses valeurs mobilières pour affronter la crise des subprimes l'esprit libre. L'enquête de l'AMF n'a pas été faite à la légère, elle a duré 18 mois, un manquement d'initié étant l'accusation la plus lourde qui pèse sur un dirigeant d'une entreprise côtée.

Dans le contexte actuel, cette affaire d'un côté additionnée aux bonus qui font leur retour, ça donne le sentiment que rien n'a changé.

Et, dans l'ensemble, c'est le cas. Les banquiers n'ont pas fait "reset" comme sur un ordinateur pour repartir à zéro. Plutôt que "reset", ils ont choisi une nouvelle fois les "recettes" d'antan. Mais, comment faire autrement dans un système mondialisé qui fonctionne sur les bonus? Et bien, en redonnant la main aux politiques. N'en déplaise aux libéraux banquiers. Les politiques ont déjà fait bouger les lignes depuis janvier en injectant de l'argent et en demandant un droit de regard. Et pourtant, on les a senti très absents ces derniers jours. Le gouvernement français a mis 24h avant de réagir et s'est contenté du service minimum en demandant l'arbitrage de la Banque de France sur les bonus. Aux États-Unis où les bonus sont beaucoup plus impressionnants, Obama est, lui aussi, sur la réserve. Malmené dans les sondages, il semble regarder ailleurs comme s'il était bon d'oublier les excès des banquiers au moment où l'économie repart. Au contraire, c'est maintenant qu'il faut serrer encore plus les boulons, éviter que l'on verse des bonus garantis quelques soient les performances, ces "golden hello" pour faire venir les meilleurs traders, il faut lisser le versement des bonus sur plusieurs années, continuer à faire pression sur les paradis fiscaux. C'est ce que font déjà les banques françaises, mais il faut que les politiques restent vigilants. Ils ont le pouvoir et le devoir d'être la caution morale dans ce dossier, ils sont les représentants de la population. Et cela mérite mieux qu'une réunion organisée à la va-vite sur le perron de Matignon où les banquiers seront là mais pas la ministre de l'économie ni le premier ministre.