"J'ai écrit ce roman dans une aspiration à l’harmonie"

© Hélie Gallimard
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Victor Nicolas , modifié à
Catherine Cusset nous dévoile les clés de son roman Indigo.

On imagine qu’il y a beaucoup de vous dans les personnages d’Indigo ?

Pas tellement dans les personnages. Il y a beaucoup de moi dans Charlotte. Elle est dans une période de deuil et en quête de quelque chose. Mais il n’y a pas beaucoup de moi dans les personnages d’hommes. J’ai conçu Roland en opposition à Charlotte, il est en harmonie avec le monde. Charlotte est hystérique alors que Roland est séducteur. Raphaël, lui, est l’écrivain enfermé à l’intérieur de lui-même, et quelqu’un de très intègre. Renata est un personnage féminin fort. Géraldine, on pourrait dire qu’elle est proche de moi car elle est inquiète, dans l’angoisse. C’est un personnage différent, beaucoup plus pur que moi. Elle est mariée à un Indien et se pose des questions sur la possibilité de coucher avec un autre homme sans porter atteinte à son mari. Quand Raphaël ne lui parle pas, tout son vieux moi masochiste remonte.

Charlotte est donc proche de vous ?

Charlotte est tout le temps inquiète de l’effet qu’elle a sur les autres et elle est très marquée par l’effet que les autres ont sur elle, ce qui est très proche de moi.  Elle a une aspiration à la légèreté, non pas libertine mais métaphysique.

Comment vous est venue l’idée de ces quatre personnages ?

J’ai écrit la biographie de chaque personnage, ce qui m’a pris un à deux mois, avant d’écrire le roman. J’ai écrit ce roman à un moment particulier de ma vie, où j’étais dans une aspiration à l’harmonie. C’est là qu’est né le personnage de Roland, conçu comme quelqu’un d’heureux. J’ai voulu aborder les thèmes du deuil, de la maternité, du désir, et surtout le rapport au passé.

Est-ce un roman initiatique ?

C’est une expérience intérieure. L’Inde n’est pas juste une découverte, ce n’est pas uniquement un roman sur ce pays, mais sur ces personnages français en Inde. Elle amène la transformation et le déplacement en eux, et symbolise leur rapport au passé. Pour Roland par exemple le pays ne l’intéresse plus vraiment, il croit pouvoir garder son passé à distance.

Roand est-il le modèle ou la leçon de vie du roman ?

Au début je les ai construits en opposition : Charlotte explose et Roland est ouvert aux rencontres érotiques. Mais il en prend pour son grade dans le roman. Son ex lui affirme qu’elle l’a quitté car il a cette cruauté des enfants trop aimés par leur mère. A la fin Renata s’y met, elle indique que depuis le début elle le mène en bateau, et l’a choisi pour avoir un enfant de lui. Roland n’est pas le grand gagnant.

La notion de désir et de plaisir semble importante dans ce roman et chez vous ?

Le roman se passe en une semaine, cela amène forcément ce thème là. Par expérience quand on part au bout du monde… Le voyage est un moment de réflexion sur soi, d’aventure et d’ouverture à l’autre. Géraldine n’est pas dans l’aventure libertine, elle a une aventure avec Raphaël car elle était amoureuse de lui quand elle était enfant. Elle sent que l’aventure représente un danger et qu’elle risque de se compromettre.

Vous vivez à New-York depuis vingt ans, mais vos romans ont toujours un lien avec la France. Est-ce nécessaire pour vous ?

Je suis française et j’ai grandi en France. Je me suis donc intéressée à la sensibilité, au contraste et à la réflexion de quatre Français en Inde. Cela découle de deux séjours de deux fois quinze jours en Inde.

Vous êtes-vous inspirée de ces voyages pour écrire ce roman ?

La première fois je ne savais pas que j’allais écrire ce roman. Puis j’en ai eu l’idée, et je suis rentrée  aux Etats-Unis où j'ai écrit la première version. J’y suis ensuite retournée pour faire un voyage de vérification.

Avez-vous déjà écrit en anglais ?

Oui, je l’ai fait dans le roman Le problème avec Jane. J’ai pourtant appris l’anglais très tard à l’âge de 23 ans, je ne l’avais pas étudié à l’école. Les langues étrangères sont un détour pour développer l’imaginaire.

Vous avez été sélectionnée par les lecteurs du Prix Relay. Quelle est votre réaction ?

C’est un plaisir d’écrire pour les lecteurs. On ne peut pas plaire à tout le monde, mais c’est intéressant de savoir qu’un roman est apprécié. J’ai gagné le Grand Prix des lectrices d’ELLE et le prix Goncourt des lycéens, des récompenses de lecteurs. C’est fondamental car un livre doit avant tout donner du plaisir aux lecteurs.