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Au Mali, le gouvernement fait face à un mouvement de contestation mené de façon habile par l'imam Mahmoud Dicko. Favorable à un islam rigoriste, sa nouvelle stature inquiète l'Elysée qui surveille de près la situation dans le pays, point-clé de la lutte anti-terroriste au Sahel. 

7h56, l'heure du regard international de Jean-Sébastien Soldaïni, grand reporter à la rédaction d'Europe 1. Vous tournez ce matin votre regard vers le Mali où monte un mouvement de contestation. Onze personnes sont mortes le week-end passé dans des affrontements à Bamako, la capitale. Et un nouveau rassemblement à risques est prévu vendredi. A la tête de ce mouvement, il y a un homme, très influent, l'imam Mahmoud Dicko.

Sa voix est posée, apaisée. Rien, dans ses attitudes, ne laisse supposer que Mahmoud Dicko tire les ficelles d'un mouvement de contestation. Si cet imam avait un credo, ce serait l'ambiguïté : capable à la fois de soutenir un dictateur comme de faire élire l'actuel président, heureux de voir la France sauver le pays mais revanchard envers Paris qu'il accuse de vouloir recoloniser son pays. 

Cette fois, il dénonce l'incapacité du pouvoir à régler les soucis de sécurité au Mali. En un seul prêche, il peut tout aussi bien rassembler les foules comme calmer les ardeurs. Son obédience, c'est l'islam rigoriste. Il considère que les auteurs de l'attaque de l'hôtel Radisson de Bamako en 2015 sont des envoyés de Dieu venus punir les Maliens de leur homosexualité. Mahmoud Dicko a ses contacts chez les jihadistes du nord du pays, il parle à tout le monde. Dix ans qu'il étend son influence, discrètement. Et s'il sort du bois comme aujourd'hui, c'est que quelque chose se trame. 

Un Premier ministre à faire démissionner, une réforme trop favorable aux femmes qu'il faut faire annuler : ce qu'il veut, ce n'est pas un parti de l'Islam mais bien que l'Islam infuse dans tous les partis. C'est pour ça qu'il ne se pose jamais en candidat. Mahmoud Dicko préfère son rôle d'autorité morale, à la croisée entre politique et religion, une forme de national-salafisme. 

Ce mouvement de contestation inquiète aussi bien Paris que les pays de la région. Il faut dire que cela tombe mal.

Le sommet du G5 Sahel, c'était il y a tout juste deux semaines. Le président Emmanuel Macron était en Mauritanie avec ses homologues de la région pour resserrer un peu les rangs : confirmer l'engagement de troupes françaises et européennes mais aussi s'assurer que le sentiment anti-français que l'on voit poindre ici et là ne s'amplifie pas. Le Mali est au centre de ces critiques, c'est là que le présence française exaspère le plus. Le Mali, c'est le point clé de la lutte anti-terroriste. La force Takuba, les forces spéciales, y entame d'ailleurs aujourd'hui ses opérations. Si le Mali vacille dans une contestation portée par un imam rigoriste, cela n'augure rien de bon. 

D'autant Jean-Sébastien que cela pourrait donner des idées aux voisins. 

L'Elysée regarde aussi vers le Burkina-Faso. Le pays ne fait pas de bruit pour l'instant, mais une présidentielle, prévue fin novembre, pourrait changer la donne. La crainte, c'est que des mouvements politiques similaires se constituent et profitent de la campagne électorale pour trouver un écho, tout en s'inspirant de ce qu'il se passe au Mali. Nous n'en sommes pas là, mais sept ans après l'intervention française au Sahel, la région doit toujours être surveillée comme le lait sur le feu.