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Chaque jour, Didier François traite d’un sujet international.

Une dramatique série d’attentats frappe l’Afghanistan depuis ce week-end. Pas moins d’une dizaine de bombes ont frappé la ville de Jalalabad ce lundi, après une explosion meurtrière en plein centre de Kaboul qui a fait 63 morts et 182 blessés. Cette flambée de violence n’a pas l’air de décourager Donald Trump qui reste très déterminé à conclure un accord de paix avec les talibans.

On a même l’impression que cette recrudescence des attentats le conforte dans sa stratégie de main tendue aux talibans. Cela peut paraitre contradictoire puisqu’ une forte détérioration du climat sécuritaire ne milite pas vraiment en faveur d’une diminution du nombre de troupes déployées sur le terrain. On pourrait penser qu’avec moins de soldats américains (et donc moins d’encadrement et moins d’appui aux forces afghanes), leur capacité à quadriller le pays sera dangereusement affaiblie. Et pourtant, le président Trump a réaffirmé son intention de "réduire encore un peu plus" le contingent militaire en Afghanistan. Il est aujourd’hui de 14.000 hommes. C’est en tous cas ce qu’il a affirmé dans un tweet après une importante réunion dans son club de golf de Bedminster avec le vice-président, son conseiller national à la Sécurité ainsi que ses ministres de la Défense et des Affaires étrangères. C’est donc bien plus qu’une foucade individuelle. C’est, semble-t-il, une véritable décision gouvernementale, la stratégie des États-Unis pour mettre un terme à une intervention qui dure depuis de 19 ans, depuis le lendemain des attentats du 11 septembre.

Mais qu’est-ce qui lui permet de croire qu’un retrait des troupes américaines améliorerait la situation à terme ?

Il faut revenir aux attentats de ces derniers jours qui ne sont pas du tout le fait des talibans pour le coup mais de l’État islamique. Ce lundi, la franchise locale a revendiqué le massacre de Kaboul. Or, les talibans sont aujourd’hui en opposition frontale avec le groupe État islamique. Des affrontements assez violents ont opposé les deux organisations dans l’Est du pays et particulièrement dans la région du Nangarhar, sur la frontière avec le Pakistan. Finalement, Donald Trump à l’air de penser que les talibans (ces ennemis d’hier) ayant des intérêts locaux à défendre, ils pourraient devenir des alliés objectifs dans la lutte contre les groupes terroristes à visée plus internationale. À tel point que dans les négociations directes en cours à Doha entre les États-Unis et l’Emirat taliban, l’émissaire de la Maison-Blanche propose un retrait phasé du contingent américain contre la garantie des talibans qu’ils interdisent le territoire afghan aux mouvements comme l’État islamique ou Al-Qaïda. Ce qu’avait refusé le mollah Omar en 2001, qui n’avait voulu livrer Oussama Ben Laden, et ce fut l’une des raisons de l’intervention.

Quelles garanties auront les États Unis que les talibans respecteront leur part du marché une fois leur retrait effectué ?

C’est un peu la faiblesse de ce plan. Mais Donald Trump y a répondu ce lundi en expliquant que les services de renseignement, eux, ne quitteront pas le pays. Ils resteront aux côtés des autorités de Kaboul pour s’assurer, comme il le dit, que l’Afghanistan ne redevienne pas "un nid duquel on nous frappe". Il y a évidemment dans cette stratégie un aspect électoral, l’objectif de se faire réélire en 2020, mais pas seulement. On est sur un vrai changement de paradigme avec la fin de la vision très militaire de George W. Bush, la "Guerre contre le terrorisme". On revient à une conception plus spécialisée et plus traditionnelle de la lutte anti-terroriste, avec priorité aux approches indirectes.