"Et toi tu t’y mets quand ?" : la pression de la maternité infligée aux femmes

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Chaque jour, Nadia Daam vous présente son coup de patte personnel.

Nadia Daam s’est plongée dans la lecture d’un livre qui évoque un aspect bien précis de la féminité : être une femme c’est avoir l’assurance d’entendre au moins deux choses dans sa vie, deux petites musiques infligées à nos oreilles délicates.

La première étant le klaxon. Un son produit par des hommes qui malgré l’absence de statistiques prouvant que de belles histoires d’amour sont nées de la rencontre fortuite entre une passante et un klaxon la cucaracha, persistent à tenter leur chance.

La deuxième petite musique c’est "et toi tu t’y mets quand ?", sous-entendu "et toi, quand est-ce que tu fais un bébé". Question souvent assortie d’un exposé sur l’horloge biologique des femmes laissant entendre que passé 35 ans, les ovaires se ratatinent comme des raisins secs ou comme Michel Houellebecq et qu’à ce titre leur corps devient inhospitalier, comprendre inhospitalier à une grossesse.

C’est ce qu’on appelle la pression de la maternité : l’injonction faite aux femmes de se reproduire et plus vite que ça. Et qui repose certes sur une vérité scientifique et physiologique : passé 35 ans la fertilité des femmes commence en effet à chuter de manière vertigineuse.

Mais, alors qu’il existe des techniques qui permettraient aux femmes d’avoir un enfant si elles veulent et quand elles veulent, c’est-à-dire la  conservation de gamètes, la France reste extraordinairement en retard sur le sujet. La Procréation Médicalement Assistée pour les femmes célibataires ou lesbiennes n’est toujours pas autorisée chez nous. Et cette interdiction pousse des milliers de femmes à se rendre à l’étranger pour se faire inséminer ou faire congeler leurs ovocytes.

C’est ce qu’a fait la journaliste Myriam Levain. Elle le raconte dans un récit autobiographique intitulé "Et toi tu t’y mets quand" quand, paru le 16 mai chez Flammarion. Dans lequel elle démonte point par point les clichés qui pèsent autour de la fameuse horloge biologique. 

L’idée par exemple, qu’il existerait des PMA de confort. Alors que faire congeler ses ovocytes se faire inséminer, c’est se délester d’une dizaine de millier d’euros, de faire subir à son entrejambe un certain nombre de traitements assez peu lounge et autres joyeusetés. Franchement, quand tu veux tu veux un peu de confort, tu t’offres un hammam et un gommage, pas une PMA.

Il y aussi cette idée qu’il y aurait une bonne et une mauvaise manière de tomber enceinte.

La bonne serait "un coït avec un homme". La mauvaise serait de "faire un bébé toute seule" comme dans la chanson. Alors qu’on voit pas très bien en quoi un bébé issu d’une levrette claquée dans un ibis porte de Champerret aurait moins de chance dans la vie qu’un bébé né d’une FIV.

Dans ce livre, elle tâche aussi de démontrer que oui, une femme peut être heureuse sans enfant. Qu’on est pas incomplète quand on a pas d’enfant. Moi j’ai même perdu des trucs en devenant mère (l’insouciance, les nuits de huit heures, une certaine tonicité d’une partie de mon anatomie).

Pourtant, la société persiste à porter un regard suspicieux sur les femmes qui ont choisi de ne pas devenir maman. Par exemple, vous ne lirez pas un article sur l’actrice Jennifer Aniston qui omettra de rappeler qu’elle n’est pas mère, et sans traiter cette info comme un drame humain ou une anomalie.

À l’inverse, on s’extasiera devant le carnet rose de la presse people et le fait que Mick Jagger à 73 ans est redevenu papa sans jamais se demander qui, entre lui et son enfant, changera les couches de l’autre. On finira sur cette note fleurie et raffinée, mais on reparlera cette semaine de maternité, fête des mères ce dimanche oblige.

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