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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Dimanche, au Palais de Tokyo, un musée parisien, une toile a été vandalisée. Un jet de peinture violette, c’est désormais une habitude.

Le jet de peinture – ou de soupe à la tomate-  est devenu ces derniers moi un des coups d’éclat favoris des militants énervés du climat. Tournesols de Vang Gogh, Jeune fille à la perle de Vermeer, Meules de Monet, toutes ces toiles y sont passées, dans plusieurs musées d’Europe. On ne sait pas trop à quoi cela sert, si ce n’est à faire parler – et ça marche- et à agacer même les plus soucieux de l’environnement, ça a fini par marcher aussi. L'épidémie s’est calmée.

Mais ce qui s’est passé au Palais de Tokyo est un peu différent. Tout au moins, dans les motivations. Car ce n’est pas un jeune activiste révolté qui a jeté la peinture, mais un ancien élu du Front national, avant que celui-ci devienne RN. Chauffé à blanc par une cohorte démago qui a fait de la pédocriminalité l’élément d’un grand complot.

C’est une toile appelée Fuck Abstraction, de la peintre suisse Miriam Cahn qui a été saccagée. Quel est le problème avec cette toile ?

Cette œuvre est, depuis des mois, l’objet d’une polémique. La toile, sombre, représente un homme massif, sans visage, imposant un rapport sexuel à deux petits personnages, dont l’un a les mains ligotées. L’artiste a composé ce tableau comme une pièces d’une série dédiée à la dénonciation des crimes de guerre, et notamment du viol, comme arme d’oppression. Mais depuis des mois, plusieurs associations, et des élus d’extrême droite dénoncent la toile comme une apologie de la pédocriminalité et ils n’en démordent pas, en dépit des explications de l’auteur. Eh oui, pensez donc, “ les pédocriminels ne disent jamais qu’ils le sont”.

La justice a déjà dû se prononcer

Quatre associations de défense de l’enfance qui entendaient faire décrocher ou, à défaut, interdire aux mineurs la toile de Miriam Cahn l’avaient saisie. Au nom de la protection de l’enfance et de la lutte contre la pédocriminalité.

Elles ont d’abord déboutées par le tribunal administratif de Paris. Elles avaient ensuite déposé un référé liberté devant le conseil d’Etat, lequel avait estimé, mi-avril, qu’il n’y avait pas lieu de faire quoi que ce soit. La liberté de l’artiste prime, en France, sur les considérations morales  les interprétations ou le refus de se confronter au tabou. Car c’est aussi de cela dont il s’agit, le tabou du viol comme arme de guerre.

L’ironie de cette affaire est qu’elle met les indignations politiques à front renversé.

Condamnation de la ministre de la Culture, du Président de la République, qui voit dans l’attaque une atteinte à nos valeurs.

Mais l’intéressant est ailleurs. L’extrême droite qui vouait aux gémonies les salisseurs de toiles classiques a repris la méthode, trouvant une manière de se faire justice là où la justice est déjà passée... Tiens tiens, ça ressemble fort aux méthodes des “désobéisseurs civils” antibassine, antiautoroute, anti tout.

 Mais évidemment, comme le lanceur de peinture est cette fois d’extrême droite, la gauche, notamment écologiste s’indigne de l’utilisation des méthodes qui sont d’ordinaire les siennes et qu’elle a regarde avec tant de tendresse, expliquant que ce n’est pas pareil du tout, que les militants écolo ne s’en sont pris qu’à des toiles protégées, argument Sandrine Rousseau.

Il y a le bon saccage à la peinture et le mauvais. Tout est dans la couleur politique de la main qui tient le pot d’acrylique. Une belle palette d’hypocrises en technicolor.