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SAISON 2018 - 2019, modifié à

Ce samedi, Catherine Nay décrypte le débat qui agite le gouvernement sur l'âge de départ à la retraite, et revient sur son origine. 

Bonjour Catherine,

Bonjour Bernard, bonjour à tous.  

Depuis trois semaines, la question de l'âge de départ à la retraite agite la macronie, et c'est la cacophonie. D'un côté, il y a ceux qui militent pour viser les 65 ans. De l'autre, ceux qui campent sur l'engagement d'Emmanuel Macron de ne pas toucher aux 62 ans. Et au milieu, un Jean-Paul Delevoye qui menace de rendre son tablier si le chef de l'État renie sa parole.

Jusqu'en 1980, les Français prenaient leur retraite à 65 ans. C'est la mesure la plus emblématique du premier septennat de François Mitterrand. On est passé aux 60 ans, mesure adoptée par ordonnance. Dans ses 110 propositions, il voulait même que toutes les femmes partent à 55 ans. Promesse non tenue. Tous les économistes le disent : c'était la réforme à contre-cycle puisqu'elle est entrée en application au moment où les Français gagnaient trois mois de vie supplémentaire par an. Autre effet pervers de la loi : des entreprises ont usé et abusé des préretraites à 58, voire 55, 53 ans, puisque désormais, on était vieux à 60 ans.

Et c'est ainsi que la France est le pays d'Europe où il y a le moins de seniors au travail.

En 1988, Michel Rocard prédisait : "Les retraites, il y a de quoi faire sauter 10 gouvernements". Il faudra attendre 2010 pour toucher au symbole.

Ça a été le grand chantier de Nicolas Sarkozy. Aucun de ses prédécesseurs n'avait jamais osé s'y attaquer. Les syndicats ont refusé, en bloc, de négocier. On passait de 60 à 62 ans. Raymond Soubie, son conseiller social, aurait voulu aller jusqu'à 63 ans. Nicolas Sarkozy avait refusé, par crainte des manifestations. Il y en a eu huit jusqu'au vote de la loi. Et au Parlement, la gauche avait bloqué le débat. Eric Woerth, le ministre, était resté à son banc sans bouger de 15h à 9h30 du matin.

Résultat : le projet avait été adopté par 336 voix contre 233 à la gauche. François Bayrou avait voté contre. En représailles, la CGT avait bloqué les raffineries pendant 17 jours. Ségolène Royal promettait que si la gauche gagnait l'Élysée, elle reviendrait sur la retraite à 60 ans. La réforme n'était pas parfaite, mais pouvait-elle combler d'un coup les injustices accumulées depuis des années ?

Ça c'était en 2010, neuf ans plus tard, alors que dans la majorité des pays de l'OCDE, l'âge de départ à la retraite est de 65 ans, voire de 67, il n'est pas anormal que des ministres, dont le premier d'entre eux, mais aussi Agnès Buzyn et Gérald Darmanin disent publiquement que la question est posée.

Si l'on veut équilibrer le système, sans réduire le montant des pensions et sans augmenter les impôts, il n'existe pas d'autre solution que de travailler plus longtemps. Le hic, c'est que leurs déclarations risquent de torpiller le travail du haut-commissaire, Jean-Paul Delevoye. À la demande du président, il tente de mettre sur pied un régime universel de retraite. Il a beaucoup consulté, parlé, négocié, entrepris un tour de France citoyen. C'est un homme de consensus, pas le genre à braquer son interlocuteur avec des petites piques désagréables. Lui, il a le don d'anesthésier ses interlocuteurs et de les convaincre. Son but : mettre fin aux 42 régimes de retraite. Sa philosophie : que la retraite soit le reflet du travail et que chaque moment de travail dans une vie donne droit à des points.

Et que les règles de calcul soient identiques pour tout le monde. Plus de régimes spéciaux. Et qu'à partir de 62 ans, qui doit rester l'âge pivot, on ait droit à une retraite à taux plein, chacun ayant la liberté de partir tout de suite. Mais si le salarié décide de travailler jusqu'à 63, 64 ou 65 ans, il y aura des coefficients majorés donc, une meilleure retraite. Les Français adhèrent à cette idée, et lui fait le pari que des Français choisiront de travailler plus longtemps. M. Delevoye termine son cycle de discussions fin mai. Il fera ses recommandations en juin à l'Élysée. Et Jupiter tranchera !