ÉDITO - "Emmanuel Macron donne du crédit à ceux qui l’accusent d’avoir été un président déconnecté"
Ce samedi, Hélène Jouan décrypte la première conférence de presse d'Emmanuel Macron.Jeudi, Emmanuel Macron tenait sa première conférence de presse pour dire quelles réponses il comptait apporter au grand débat et à la crise des "gilets jaunes". Vous assistiez à cet échange Hélène Jouan : à votre avis, qu’est-ce que le président a appris de cette longue crise qui dure depuis l’automne ?Il était 18 heures passées de quelques minutes dans cette salle de fête rénovée de l’Élysée, Emmanuel Macron venait tout juste d’entamer son propos liminaire pour remettre en perspective la crise et énumérer en "on" ses solutions, qu’on avait déjà en "off" depuis dix jours, quand il prononça ses mots : "J’ai moi-même beaucoup appris sur notre pays, sur la fonction qui est également la mienne". Entendu sur europe1 : "Il a découvert les familles monoparentales ? Tellement qu’il leur propose pour améliorer leur vie de mettre en place un dispositif qui existe déjà !" Tout était dit, il aurait pu s’arrêter là ! Il a beaucoup appris sur son pays ! Questionné de façon répétitive par des journalistes visiblement passionnés par la mise sur le divan de notre président sur le mode : "Mais comment avez-vous vécu tout cela ?", il ajouta : "J’ai été touché par l’épaisseur des vies des Français, j’ai compris dans ma chair ce qu’ils vivaient". Et c’est parfois avec une naïveté confondante qu’il nous a livré les enseignements de cet apprentissage : "On a découvert ce qu’on appelle aujourd’hui les familles monoparentales". Mais on aurait dû lui présenter des amies !Il a découvert les familles monoparentales ? Soit plus d’une famille sur cinq en France aujourd’hui ! Tellement découvert d’ailleurs, qu’il leur propose pour améliorer leur vie de mettre en place un dispositif qui existe déjà ! Il date du quinquennat précédent et permet à un organisme public de recouvrer les impayés de pension alimentaire de ces femmes isolées. Six mois de crise donc pour découvrir "ces vies blessées" comme il dit, pour entendre, enfin, la juste colère des petits retraités.C’est bien que le président dise qu’il a entendu le message du pays, non ? Mais c’est surtout l’aveu qu’il ne le connaissait pas avant ! Et en l’écoutant jeudi, on s’est souvenu tout à coup d’où venait ce président. Emmanuel Macron avouait se vivre l’an dernier, comme le "fruit, disait-il, d’une forme de brutalité de l’histoire, d’une effraction, parce que la France était malheureuse et inquiète." Il a analysé "le malheur, l’angoisse et la misère" comme causes de son élection, mais il ne l’avait pas éprouvé dans la chair des citoyennes et citoyens de ce pays. Effraction : il a fait irruption dans le paysage politique, sans avoir rien en commun avec ses prédécesseurs. Jusqu’à lui, il fallait avoir subi défaites politiques, et même militaires parfois, revers et traversées du désert pour espérer l’ultime victoire. >> LIRE AUSSI - Ce qu'il faut retenir de la conférence de presse d'Emmanuel Macron Il fallait avoir écumé pendant des années les fêtes de la Rose dans le plus petit des cantons, arpenté les fédérations RPR et partagé le coup de rouge et le saucisson avec les militants, il fallait avoir dirigé une ville ou un département pour être à portée "d’engueulades ou de baffes" des électeurs, mais surtout à portée de leur petits et gros tracas quotidiens : les fins de mois difficiles, le logement trop cher ou trop petit, le mari qui est parti, le gamin qui ne trouve pas de boulot, la voiture qu’on n’arrive pas à changer faute de moyens. C’était ça un président avant sous la Cinquième. Entendu sur europe1 : "En l’écoutant jeudi, on s’est souvenu tout à coup d’où venait ce président" Un président pas forcément d’un milieu différent d’Emmanuel Macron, non, mais un élu ou dirigeant politique qui avait vécu, sillonné le pays, croisé des Français qui ne lui ressemblaient pas, ni à lui ni à ses amis. D’ailleurs, il l’a reconnu jeudi dans une boutade quand on le questionnait sur 2022, "Je me fiche de la prochaine élection, a-t-il assuré, ce n’est pas mon sujet, comme il y a cinq ans, ce n’était pas mon sujet". C’est dire s’il ne s’était préparé ni à l’immersion dans le pays, ni à sa fonction.Alors maintenant qu’il a appris, a-t-il changé ?En faisant cet acte de contrition sincère (pourquoi en douter ?), Emmanuel Macron donne d’abord curieusement du crédit à ceux qui l’accusent d’avoir été un président déconnecté, président des "élites" ne connaissant rien au peuple. Mais il nous dit au moins qu’il a changé, qu’il a appris ; il corrige à la marge ce qu’il assume comme erreur, la ré-indexation des petites retraites par exemple, il "remet de l’humain" dans son projet comme il dit, en augmentant le minimum vieillesse ou en apportant une bouffée d’oxygène fiscale aux classes moyennes. Entendu sur europe1 : "Il ne s’était préparé ni à l’immersion dans le pays, ni à sa fonction" Mais il ne change rien sur le fond, car "les résultats sont là" affirme-t-il, "le cap est le bon". On entendra néanmoins la suppression de l’ENA, symbole de ces élites déconnectées, et l’attention ostensible qu’il porte désormais aux peurs des Français, sur l’immigration ou l’Islam politique (évacuons les arrière-pensées électoralistes), comme des marques de cette connaissance nouvellement acquise. Félicitons-nous de cet apprentissage accéléré, vive la crise ! On a désormais un président qui dit connaitre son pays.
En savoir plusCe samedi, Hélène Jouan décrypte la première conférence de presse d'Emmanuel Macron.Jeudi, Emmanuel Macron tenait sa première conférence de presse pour dire quelles réponses il comptait apporter au grand débat et à la crise des "gilets jaunes". Vous assistiez à cet échange Hélène Jouan : à votre avis, qu’est-ce que le président a appris de cette longue crise qui dure depuis l’automne ?Il était 18 heures passées de quelques minutes dans cette salle de fête rénovée de l’Élysée, Emmanuel Macron venait tout juste d’entamer son propos liminaire pour remettre en perspective la crise et énumérer en "on" ses solutions, qu’on avait déjà en "off" depuis dix jours, quand il prononça ses mots : "J’ai moi-même beaucoup appris sur notre pays, sur la fonction qui est également la mienne". Entendu sur europe1 : "Il a découvert les familles monoparentales ? Tellement qu’il leur propose pour améliorer leur vie de mettre en place un dispositif qui existe déjà !" Tout était dit, il aurait pu s’arrêter là ! Il a beaucoup appris sur son pays ! Questionné de façon répétitive par des journalistes visiblement passionnés par la mise sur le divan de notre président sur le mode : "Mais comment avez-vous vécu tout cela ?", il ajouta : "J’ai été touché par l’épaisseur des vies des Français, j’ai compris dans ma chair ce qu’ils vivaient". Et c’est parfois avec une naïveté confondante qu’il nous a livré les enseignements de cet apprentissage : "On a découvert ce qu’on appelle aujourd’hui les familles monoparentales". Mais on aurait dû lui présenter des amies !Il a découvert les familles monoparentales ? Soit plus d’une famille sur cinq en France aujourd’hui ! Tellement découvert d’ailleurs, qu’il leur propose pour améliorer leur vie de mettre en place un dispositif qui existe déjà ! Il date du quinquennat précédent et permet à un organisme public de recouvrer les impayés de pension alimentaire de ces femmes isolées. Six mois de crise donc pour découvrir "ces vies blessées" comme il dit, pour entendre, enfin, la juste colère des petits retraités.C’est bien que le président dise qu’il a entendu le message du pays, non ? Mais c’est surtout l’aveu qu’il ne le connaissait pas avant ! Et en l’écoutant jeudi, on s’est souvenu tout à coup d’où venait ce président. Emmanuel Macron avouait se vivre l’an dernier, comme le "fruit, disait-il, d’une forme de brutalité de l’histoire, d’une effraction, parce que la France était malheureuse et inquiète." Il a analysé "le malheur, l’angoisse et la misère" comme causes de son élection, mais il ne l’avait pas éprouvé dans la chair des citoyennes et citoyens de ce pays. Effraction : il a fait irruption dans le paysage politique, sans avoir rien en commun avec ses prédécesseurs. Jusqu’à lui, il fallait avoir subi défaites politiques, et même militaires parfois, revers et traversées du désert pour espérer l’ultime victoire. >> LIRE AUSSI - Ce qu'il faut retenir de la conférence de presse d'Emmanuel Macron Il fallait avoir écumé pendant des années les fêtes de la Rose dans le plus petit des cantons, arpenté les fédérations RPR et partagé le coup de rouge et le saucisson avec les militants, il fallait avoir dirigé une ville ou un département pour être à portée "d’engueulades ou de baffes" des électeurs, mais surtout à portée de leur petits et gros tracas quotidiens : les fins de mois difficiles, le logement trop cher ou trop petit, le mari qui est parti, le gamin qui ne trouve pas de boulot, la voiture qu’on n’arrive pas à changer faute de moyens. C’était ça un président avant sous la Cinquième. Entendu sur europe1 : "En l’écoutant jeudi, on s’est souvenu tout à coup d’où venait ce président" Un président pas forcément d’un milieu différent d’Emmanuel Macron, non, mais un élu ou dirigeant politique qui avait vécu, sillonné le pays, croisé des Français qui ne lui ressemblaient pas, ni à lui ni à ses amis. D’ailleurs, il l’a reconnu jeudi dans une boutade quand on le questionnait sur 2022, "Je me fiche de la prochaine élection, a-t-il assuré, ce n’est pas mon sujet, comme il y a cinq ans, ce n’était pas mon sujet". C’est dire s’il ne s’était préparé ni à l’immersion dans le pays, ni à sa fonction.Alors maintenant qu’il a appris, a-t-il changé ?En faisant cet acte de contrition sincère (pourquoi en douter ?), Emmanuel Macron donne d’abord curieusement du crédit à ceux qui l’accusent d’avoir été un président déconnecté, président des "élites" ne connaissant rien au peuple. Mais il nous dit au moins qu’il a changé, qu’il a appris ; il corrige à la marge ce qu’il assume comme erreur, la ré-indexation des petites retraites par exemple, il "remet de l’humain" dans son projet comme il dit, en augmentant le minimum vieillesse ou en apportant une bouffée d’oxygène fiscale aux classes moyennes. Entendu sur europe1 : "Il ne s’était préparé ni à l’immersion dans le pays, ni à sa fonction" Mais il ne change rien sur le fond, car "les résultats sont là" affirme-t-il, "le cap est le bon". On entendra néanmoins la suppression de l’ENA, symbole de ces élites déconnectées, et l’attention ostensible qu’il porte désormais aux peurs des Français, sur l’immigration ou l’Islam politique (évacuons les arrière-pensées électoralistes), comme des marques de cette connaissance nouvellement acquise. Félicitons-nous de cet apprentissage accéléré, vive la crise ! On a désormais un président qui dit connaitre son pays.
1958-2018 : il y a 60 ans naissait la Ve République. Mais la Constitution n’a pas été écrite en une nuit et ce régime ne s’est pas installé du jour au lendemain, loin s’en faut. Dans une série originale inédite imaginée pour Europe 1 Studio, Olivier Duhamel raconte la naissance de la Ve République. De Colombey-les-Deux-Eglises à l’Elysée, en passant par Alger : découvrez ce récit en huit épisodes avec les archives de l’époque au micro d’"Europe numéro 1".
Vanessa Zha
Suivez Vanessa Zhâ, journaliste voyage et patrimoine sur Europe 1, et envolez-vous vers de nouveaux horizons : avec Europe 1 Voyage(s), l’évasion commence maintenant, en podcast ! Imaginez une plage de sable fin, des montagnes, une ville au bout du monde… Vous n’avez pas votre billet et pourtant, vous pouvez écouter vos prochaines vacances ! Europe 1 Voyage(s), c’est le podcast pour partir à la découverte de nouvelles destinations, faire de nouvelles rencontres, s’ouvrir à de nouvelles cultures. Avec Europe 1 voyage(s), chaque épisode vous transporte vers une destination. Entre idées de visite et sites incontournables, bons plans et infos insolites, mais aussi regard intime et confidences d’invité(e)s. Europe 1 Voyage(s) est sur toutes les plateformes habituelles de podcast ainsi que sur l’appli et le site Europe1.<br /> <br /> Crédits : <br /> Incarnation et journaliste : Vanessa Zhâ <br /> Production : Marc O. Grünfeld <br /> Réalisation : Eliot Just <br /> Prises de son et recherches musicales : Victor Naulleau <br /> Coordination : Aurore Bossu <br /> Direction artistique visuel : Sidonie Mangin <br /> Archives Europe 1 : Laetitia Casanova, Antoine Reclus et Sylvaine Denis <br /> Edition et diffusion : Hugo Maze-dit-Mieusement
Au Cœur de l'Histoire - Virginie Girod
Virginie Girod
Découvrez l’Histoire de France et du monde avec l’historienne Virginie Girod dans cette nouvelle saison du podcast "Au Cœur de l’Histoire" ! Embarquez pour un voyage dans le temps inédit sur fond de musiques originales, pour une immersion totale à la manière de la fiction audio. Virginie Girod met en lumière des personnages historiques inspirants et lève le voile sur des époques essentielles de l’Histoire. Origines des guerres, complots, vies d’artistes, politiciens, pionniers, retrouvez de nouveaux épisodes tous les jours sur une variété de sujets allant de l’Antiquité à nos jours. Les lundis, mardis, jeudis et vendredis, plongez dans des récits 100% immersifs, puis chaque mercredi et samedi Virginie Girod vous propose une interview inédite avec un invité historien, chercheur, journaliste, pour en apprendre encore plus. "Au Cœur de l’Histoire" est une production Europe 1 Studio.
Ombline Roche
Tous les samedis et dimanches, Ombline Roche vous plonge dans les années Top 50 sur Europe 1. Laissez-vous guider !
Thierry Cabannes
Une heure d'information, d'analyses et de débats en direct du lundi au vendredi, en codiffusion avec CNEWS.
Pierre de Vilno
Une heure d’entretien incontournable en partenariat avec CNEWS et Les Echos. Une personnalité politique, un dirigeant économique ou un intellectuel revient sur les grands thèmes de l'actualité et répond aux questions sans détour de Pierre de Vilno pour apporter des réponses concrètes aux Français.
Brandon Waret
Le samedi et le dimanche, la rédaction d'Europe 1 vous livre le concentré de l'actualité du jour, tout en gardant un œil sur les événements à venir avec les Unes de la presse du lendemain.
Thomas Isle
Entouré de ses chroniqueurs et d'Anissa Haddadi, Thomas Isle reçoit celles et ceux qui font l’actualité culturelle et médiatique : dirigeants de chaînes, producteurs, animateurs, journalistes, chanteurs, acteurs, etc. Les auditeurs retrouvent "leurs indispensables" avec les signatures de la station. Une émission de 1h30 enrichie de débats autour des questions médiatiques, d’un jeu interactif et de nouvelles séquences donnant la parole aux auditeurs.
Dimitri Pavlenko
Deux heures de direct à l'écoute de celles et ceux qui font le monde : le raconter, le décrypter et l'analyser pour donner des clés de lecture et de compréhension aux auditeurs.