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SAISON 2015 - 2016

Inconnu du grand public il y a quelques années à peine, Bernard Cazeneuve est aujourd'hui en première ligne. Dans la guerre déclarée contre le terrorisme, il occupe un poste clé : le ministre de l'Intérieur est devenu l'une des pièces maîtresses de François Hollande.

 

Bernard Cazeneuve est sur tous les fronts. Jeudi soir, la police n'avait pas terminé les perquisitions à Argenteuil dans une planque du truand jihadiste Rida Kriket soupçonné de préparer un attentat, que le ministre intervenait, il n'était pas loin de minuit. Depuis janvier 2015, et les tueries à Charlie Hebdo, dans l'Hyper Cacher et celles du 13 novembre à Paris, il est présent nuit et jour : devant le Bataclan, quelques jours plus tard à Saint Denis où les forces de l'ordre mettaient hors d'état de nuire Aboudaoud, commanditaire présumé des attentats. Chaque fois, le visage pale et grave, pesant ses mots malgré le stress et les nuits sans sommeil, pour saluer la mémoire des victimes, tenter de réconforter leurs familles, rendre compte du bilan de l'action de ses hommes, saluer leur travail, parlant toujours de cette voix monocorde dont il a fait sa marque de fabrique. 

Bernard Cazeneuve n'a jamais été dans la frénésie, l'éclat ou l'agressivité. Il faut le voir aux questions d'actualité répondre à l'opposition sur ce ton doucereux et onctueux d'un chanoine dans la chapelle du Saint Sépulcre, avec un zeste d'arrogance qui passe d'autant mieux que l'on sent sa connaissance des dossiers. On le respecte parce qu'il est solide. Il ne faut pas oublier qu'au printemps de 2014, quand Emmanuel Valls a quitté Beauvau pour Matignon, il était ministre du budget. Déjà, il avait remplacé Jérôme Cahuzac, démissionnaire... Il était une solution de compromis. Pourtant, François Rebsamen avait la préférence de François Hollande et Manuel Valls penchait pour Jean-Jacques Urvoas, aujourd'hui ministre de la Justice. Finalement, ce fut Bernard Cazeneuve qui ne connaissait pas grand chose aux affaires de police. Son talent c'est d'avoir éclipsé, très vite, son prédécesseur : Cazeneuve c'est même l'anti Valls. On est passé du toreador contrarié et rugueux au prélat persuasif. Toujours tiré à quatre épingles avec ses blazers de yatchman sans yatch, ses manteaux en whipcord à col de velours et ses chapeaux qui rééquilibrent une silhouette un peu trop brève.

ICazeneuve n'a jamais rien réclamé mais il a été servi par les événements. Il aime répéter qu'il n'a pas de plan de carrière et qu'il pourrait demain arrêter pour cultiver ses roses. Au Parti Socialiste, on ironise sur ce ministre qui pousse l'art de la politique au point d'apparaître comme n'en faisant pas alors qu'il en fait non stop. Sa plus grande habilité est-elle sa rouerie ? Il séduit François Hollande qui apprécie sa loyauté et, cerise sur le gâteau, son humour : il n'a pas son pareil pour détendre l'atmosphère. D'ailleurs, si Valls s'en allait c'est lui, à coup sur, qui le remplacerait.

Cazeneuve, c'est une personnalité qui veut tout maîtriser et qui est dans l'hyper-communication. A Bruxelles, les journalistes disent qu'il est le ministre français le plus présent. Il sait taper du poing pour se faire entendre de ses homologues, il connaît ses dossiers. Avant un déplacement, son équipe contacte toute la presse et il répond à tout le monde, les Allemands, les Espagnols, les Polonais. Sur le terrain européen, il existe, disent-ils, beaucoup plus que François Hollande. Et, parole de policiers, il y a eu trois grands ministres de l'intérieur : Pasqua, Joxe et Sarkozy... Peu-être qu'à la fin du quinquennat ils ajouteront Cazeneuve.