L'accélération de la vente de missiles russes S400 à la Turquie aggrave le divorce entre Ankara, Washington et l'Alliance Atlantique

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François Clemenceau revient chaque matin sur un évènement international au micro d'Europe 1 Bonjour.

La Turquie prend l’Otan en otage.

Le président turc et Vladimir Poutine ont annoncé hier que la livraison par la Russie de missiles S-400 à la Turquie sera accélérée. Ce qui inquiète au plus haut point les dirigeants occidentaux. 

Pour se rendre compte de l’importance de ce contrat, il faut savoir que le système de missile S-400 est ce qu’on fait de mieux en Russie dans le domaine de la défense anti-aérienne et anti-missile. Son radar serait capable d’accrocher 80 cibles à la fois et de contrôler la course de 160 missiles en même temps. Cela signifier que toute attaque aérienne ou au missile de croisière est détectée très en amont. Autrement dit, c’est l’instrument de sanctuarisation par excellence La Turquie a passé commande pour quatre batteries pour un montant de 2,5 milliards de dollars dont la moitié est empruntée. Le tout devait être livré en 2020, ce sera finalement à la mi-2019.

Pourquoi est-ce un problème pour l’Otan ?

Parce que la règle veut que dans l’Otan, dans la mesure du possible, les équipements utilisés par ses nations-membres soient compatibles. Or, évidemment, les systèmes russes sont incompatibles avec ceux de l’Alliance. Et comme la Turquie est un membre important et crucial de l’Otan, le seul à posséder des frontières avec la Russie et avec les portes du Proche et du Moyen Orient, l’Alliance atlantique se sent comme défiée. D’autant plus que les Européens et les Américains avaient proposé une offre concurrente de celle des Russes et qu’elles ont été différées ou annulées. Par ailleurs, qui dit achat de matériel dit service après-vente. L’idée que des ingénieurs russes, en installant les batteries de S-400 puissent avoir accès ainsi à l’environnement de défense de l’Otan et aux panoplies de défense des avions américains est devenue un cauchemar au Pentagone. Une délégation de diplomates américains a tenté à la dernière minute fin mars de retarder l’accord avec les Russes mais en vain. 

Est-ce qu’il s’agit vraiment d’un défi du président Erdogan à l’Otan ?

Lui prétend que pas du tout, que c’est son libre choix souverain d’acheter russe. Sauf que c’est le seul membre de l’Alliance depuis la chute du Mur de Berlin à se doter de cette technologie de dernière génération auprès des Russes et à ce prix-là. Mais on pense au siège de l’Otan qu’Erdogan s’est un peu fait forcer la main. Que c’est le prix à payer pour lui pour sa présence militaire en Syrie contre les Kurdes et pour être à la table des tractations avec l’Iran et la Russie sur l’avenir du régime de Damas. Autrement dit, c’est comme une double prise d’otage. Erdogan est l’otage des Russes et l’OTAN est prisonnière de la Turquie. Il reste un an pour la convaincre de renoncer à la livraison. L’Alliance pourrait théoriquement aussi exclure la Turquie de l’organisation. Ce serait du jamais vu mis ce serait pire. Cela reviendrait à être aveugle et sourd, encore plus impuissant dans cette partie du monde aux portes de l’Europe.