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Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique. Lundi, il décrypte les derniers rebondissement dans l'affaire Renault/Ghosn.

Où va l’alliance entre Renault et Nissan ? Malgré la visite d’émissaires du gouvernement français à Tokyo, la communication entre les deux groupes reste problématique…

Oui j’en veux pour preuve cette histoire qui s’est produite ce week-end et qui illustre bien le fossé entre les deux parties: hier, le journal Nikkei, la Bible des affaires au Japon, publiait un article disant que les émissaires du gouvernement français venus à Tokyo la semaine dernière, le patron de l’Agence des participations de l’Etat et le directeur de cabinet de Bruno Le Maire, avaient plaidé pour une fusion entre les deux groupes. L’article fait bondir au Japon : la fusion, c’est l’épouvantail, le chiffon rouge, tout ce que les Japonais ne veulent pas. Un journaliste japonais qui m’a appelé hier me disait : "mais c’est une déclaration de guerre, c’est très agressif, pourquoi les Français parlent-ils de fusion maintenant ?"

C’est une bonne question oui : pourquoi ?

En fait, l’article japonais était très exagéré. Les émissaires français n’ont pas demandé de fusion, ils ont juste dit qu’il devrait y avoir une discussion sur l’avenir de l’Alliance qui ne peut pas rester en l’état. Devant l’émotion suscitée à Tokyo et pour clarifier les choses, Bruno Le Maire a dû démentir le scénario d’une fusion. Mais ce que révèle cette histoire, c’est que des deux côtés, on a du mal à se comprendre. C’est "lost in translation". 

C’est quoi, le fond du différend entre Français et Japonais ?

Ce qui les oppose, c’est le rôle de l’Etat. Le Premier ministre japonais Shinzo Abe l’avait dit en décembre à Emmanuel Macron, je cite: "les gouvernements n’ont pas à s’impliquer dans l’avenir de l’alliance, c’est aux deux entreprises de trouver une solution satisfaisante". Les Français eux pensent que l’Etat a un rôle majeur à jouer. Pour les Japonais, la main de l’Etat français est trop lourde. La mission du prochain patron de Renault qui doit être désigné dans les prochains jours sera de dissiper tous ces malentendus. Et surtout de reprendre la main pour ne pas laisser l’Etat français en première ligne. Ça nécessitera beaucoup de doigté mais c’est stratégique pour l’avenir de cette industrie en pleine mutation.