Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.
Bonjour Nicolas Barré, que contient le dossier d’accusation contre Carlos Ghosn ? On commence à en avoir une idée plus précise, grâce à des fuites que vous avez obtenues.
Oui, nous avons pu consulter des documents internes de Nissan, des échanges de mails et des factures notamment, qui orientent les soupçons vers la société commune aux deux constructeurs, RNBV, Renault Nissan Pays Bas. Cette structure était "une boîte noire", nous a confié un ancien haut dirigeant de Nissan. Exemple : dans un mail confidentiel que nous avons consulté, le bras droit de Carlos Ghosn, Greg Kelly, qui est aujourd’hui lui aussi détenu en prison à Tokyo, évoque la possibilité de faire transiter une partie de la rémunération de Carlos Ghosn par cette société RNBV, je cite, "sans avoir à en divulguer les montants publiquement".
Finalement, c’est une autre solution qui a été retenue pour éviter de dévoiler aux autorités japonaises le montant total des rémunérations du PDG : le paiement différé d’une partie de sa rémunération. Un montage destiné à camoufler la réalité et qui a justifié la première mise en examen de Carlos Ghosn et de son bras droit.
D’autres documents montrent encore le rôle central de cette société néerlandaise dans l’affaire.
Oui, même si c’est plus anecdotique : RNBV a été mobilisée, selon l’accusation japonaise pour effectuer des paiements qui ne relevaient pas de sa mission. Par exemple pour faire des donations au collège jésuite Notre Dame de Jamhour dans les hauts de Beyrouth, où Carlos Ghosn a été élève, ou à l’université Saint-Joseph. Nous avons pu voir des mails attestant de ces paiements qui devaient rester confidentiels. Entre 2011 et 2015, cette université de Beyrouth a reçu une donation d’un million de dollars, en échange de quoi sa nouvelle bibliothèque porte aujourd’hui le nom de Carlos Ghosn.