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Chaque samedi et chaque dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine

Vous n’avez pas aimé les dernières déclarations d’Emmanuel Macron sur l’ISF...

C’est ça. Quelques mots prononcés devant des intellectuels réunis à l’Élysée à l’occasion du grand débat : intellectuels, ISF, nous avons là deux spécificités typiquement françaises. Et quand on rapproche deux marqueurs aussi forts de l’identité française, forcément, il faut s’y intéresser. Alors, que dit le chef de l’État : qu’il faut "peut-être reconditionner davantage la part de l’ISF qui a été supprimée". En termes moins alambiqués, ça veut tout simplement dire qu’il n’exclut plus de rétablir une partie de l’ISF…

Ce qui correspond aux demandes récurrentes des "gilets jaunes" et du grand débat. Rien d’étonnant, au fond…

Ce qui m’étonne, en tous cas, c’est cette inconstance. Le Président de la République avait tenu le cap, jusque là sur la suppression de cet impôt. Il avait botté en touche en évoquant vaguement une évaluation dans deux ans. Là, il ouvre un peu plus grand la porte à un revirement.

Un de plus, devrais-je dire. Car cette semaine a été riche en couacs et cafouillages. Le summum étant atteint à propos de l’âge de départ à la retraite. Après qu’Agnès Buzyn avait allumé la mèche du report au-delà de 62 ans, puis qu’elle avait démenti, on a eu un festival, chaque ministre ou député y allant de sa petite phrase, jusqu’à ce qu’on comprenne, de la bouche même d’Édouard Philippe que pourquoi pas, dans un autre cadre, en fonction des circonstances, etc, etc…

C’est quoi ? C’est un ballon d’essai ?

En fait, le problème est simple : Emmanuel Macron, dans sa campagne, s’est engagé à ne pas reculer l’âge légal du départ à la retraite. Or on sait, de manière totalement incontestable, que les Français vieillissent, que les retraités seront de plus en plus nombreux, et qu’il faudra donc de plus en plus de moyens pour payer les pensions (si on ne veut pas les réduire).

Bon, quand on a un problème insoluble à résoudre, un rond à faire rentrer dans un carré, qu’est-ce qu’on fait ?
On change le rond ou le carré !

Exactement, on change le terrain de jeu, on change la dimension du sujet. Pour les retraites, c’est simple : on dit que désormais le problème dépasse celui du seul paiement des retraites, et qu’il englobe celui de la dépendance. Un enjeu à 10 milliards d’euros au moins, et qui pourrait justifier, politiquement, qu’on débatte de l’âge du départ à la retraite !

Donc ça pourrait se faire. Même chose pour l’ISF ?

J’espère que non, parce que si les statistiques sont incontestables pour la retraite, elles disent l’inverse pour l’ISF. Vous connaissez la théorie du ruissellement : l’argent qui est rendu (ou qui n’est pas prélevé) sur les plus riches redescend, revient dans le reste de l’économie.

Théorie très contestée…

Oui, c’est vrai. Et pourtant on a eu cette semaine, venant de l’Insee, des chiffres très intéressants. La flat tax, c'est-à-dire le prélèvement forfaitaire unique de 30% sur les revenus financiers, a rapporté 3,5 milliards d’euros à l’État. 20% de plus que prévu. Tout simplement parce que les entreprises ont davantage distribué de dividendes et parce que les particuliers ont davantage vendu d’actions. Ils ont payé moins d’impôt sur chaque plus-value, mais réalisé davantage de plus-value. Moins d’impôt crée de l’impôt. Moins d’impôt crée de l’activité économique. CQFD.