Washington impose des tarifs sur l'acier et l'aluminium de l'UE, qui va répliquer

Les États-Unis de Donald Trump ont décidé de durcir le ton en matière d'importation de matières premières.
Les États-Unis de Donald Trump ont décidé de durcir le ton en matière d'importation de matières premières. © Nicholas Kamm / AFP
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avec AFP , modifié à
Les États-Unis vont appliquer dès vendredi d'importants tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium importés de l'Union européenne, mais aussi du Mexique et du Canada.

Le couperet est tombé. Le secrétaire américain au Commerce Wilbur Ross a annoncé jeudi que les États-Unis allaient appliquer vendredi d'importants tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium importés de l'Union européenne (UE), du Mexique et du Canada. L'UE "va annoncer dans les prochains heures des contre-mesures", a aussitôt indiqué Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, faisant planer le spectre d'une guerre commerciale.

Pas d'exemption pour l'UE

Les États-Unis ont donc décidé de ne pas prolonger l'exemption temporaire accordée à l'Union européenne jusqu'à jeudi minuit et vont mettre en place des taxes de 25% sur l'acier et de 10% sur l'aluminium. Wilbur Ross, qui s'exprimait lors d'une conférence de presse téléphonique alors qu'il était à Paris pour une réunion de l'OCDE, a précisé que les États-Unis ne voulaient pas accorder aux 28 pays membres de l'Union européenne (UE) "une exemption permanente et inconditionnelle sur les tarifs". 

"Nous avons eu des discussions avec la Commission européenne et même si nous avons fait des progrès, ils ne sont pas allés jusqu'au point où il aurait été justifié, soit de prolonger l'exemption temporaire, soit d'accorder une exemption permanente", a affirmé le ministre de Donald Trump. Le sursis sur ces taxes est également levé pour le Mexique et le Canada, les deux autres partenaires de l'accord de libre-échange nord-américain (Aléna) dont la renégociation, entamée il y a dix mois, peine à aboutir. "Il n'y a plus de date précise pour la conclusion des négociations, donc (ces pays) ont été ajoutés à la liste de ceux qui vont payer des tarifs", a déclaré Wilbur Ross.

D'autres pays ont négocié. Il a indiqué aussi que la Corée du Sud avait négocié un quota d'acier tandis que l'Argentine, l'Australie et le Brésil ont pris des dispositions pour "limiter le volume qu'ils peuvent expédier aux États-Unis au lieu des droits de douane". Nul doute que la décision américaine va être au centre des discussions du G7 Finances qui débute jeudi à Whistler, au Canada.

L'Union européenne va répliquer

L'Union européenne avait exigé l'exemption définitive de ces taxes douanières comme tout préalable aux négociations. Les Européens, France en tête, ont insisté sur le fait qu'ils ne pouvaient discuter en ayant une épée de Damoclès au-dessus de leur tête, qui plus est de la part d'un allié. Peu après l'annonce de Washington, qui était attendue même si certains Européens espéraient encore l'imposition de quotas à l'exportation plutôt que des tarifs douaniers, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a déclaré à Bruxelles : "l'Union européenne ne peut pas rester sans réagir (…) Ce qu'ils peuvent faire, nous sommes capables de faire exactement la même chose."

Washington ne craint pas les représailles. "Notre réponse à 'l'Amérique d'abord' sera 'l'Europe unie'", a indiqué dans un communiqué le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas, ajoutant que "les guerres commerciales ne connaissent aucun vainqueur". "Le gouvernement allemand rejette (ces taxes). Nous estimons qu'elles sont illégales" et que la décision de les instaurer "porte en elle le risque d'une spirale nous entraînant dans une escalade qui au final nuira à tout le monde", a estimé Angela Merkel dans un communiqué.

Mexico a aussi annoncé des représailles. "Le Mexique imposera des mesures équivalentes sur divers produits" dont certains aciers, des fruits et des fromages, a annoncé dans un communiqué le ministère de l'Économie, et celles-ci "seront en vigueur tant que le gouvernement américain n'éliminera pas les taxes imposées". De son côté, Wilbur Ross a minimisé les risques de contre-attaque de la part des pays sanctionnés et ajouté qu'il y avait "un potentiel de discussion" avec l'Union européenne.

Quelle est la position de la France ?

Le secrétaire d'État français aux Affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, a qualifié jeudi les taxes américaines sur l'acier et l'aluminium d' "injustifiables et injustifiées" et appelé Bruxelles à répondre en prenant des mesures de sauvegarde et de "rééquilibrage". "La France désapprouve ces mesures injustifiables et injustifiées", a-t-il déclaré à la presse en marge de la réunion annuelle de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à Paris, estimant que les Etats-Unis avaient apporté "une mauvaise réponse" à "l'urgence de refonder le commerce international".

" Le commerce mondial n'est pas un duel à OK Corral "

Avant l'annonce, le ministre français de l'économie Bruno Le Maire avait prévenu de son côté que l'UE prendrait "toutes les mesures nécessaires" si les États-Unis appliquaient les tarifs. De telles mesures seraient "injustifiées, injustifiables et dangereuses", avait estimé Bruno Le Maire à l'issue d'un entretien à Paris avec Wilbur Ross. "Le commerce mondial n'est pas un duel à OK Corral" avait ironisé le ministre de l'Économie : "Ce n'est pas chacun attaque l'autre et on voit qui reste debout à la fin."

Quelles conséquences pour l'UE et la France ?

L’Allemagne représente 3% des importations américaines d’acier et la France moins de 1%. Loin des 16% du Canada (premier fournisseur des États-Unis, également sanctionné), du Brésil (13%) de la Corée du Sud (10%) ou encore de la Russie et du Mexique (9%). En volume, l’Union européenne n’est donc pas vraiment un partenaire majeure des États-Unis. En revanche, en valeur, la part de l’UE grimpe considérablement, à 28% (cinq milliards d'euros d'acier et un milliard d'euros d'aluminium).

Acier taxes

La raison est simple : là où des pays comme l’Inde et le Mexique exportent de l’acier brut, l’industrie européenne fournit de l’acier transformé, à forte valeur ajoutée. Les pertes potentielles ne sont donc pas à chercher au niveau des débouchés mais plutôt des revenus : les droits de douane de Donald Trump pourraient coûter 2,8 milliards d'euros à l’UE, selon les calculs de la Commission.