Travailler plus contre le maintien de l’emploi : au tour de Sanofi Pasteur

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SOCIAL - La direction du laboratoire pharmaceutique veut revoir les accords qui régissent la vie de l’entreprise. Objectif : supprimer 9 RTT pour gagner en compétitivité.

Sanofi Pasteur a remporté mercredi le Prix Glassdoor du meilleur employeur en France mais ses troupes risquent de ne pas être du même avis. Le laboratoire pharmaceutique, filiale du groupe Sanofi Aventis, compte en effet revenir sur son organisation du travail afin de rendre ses employés plus productifs. Objectif de la direction : supprimer un certain nombre de jours de RTT sans que l’on connaisse encore les compensations proposées. Et si ces derniers refusent, l’entreprise pourrait ne pas investir dans la modernisation de ses installations en France. Une méthode de plus en plus répandue puisque Renault, Smart ou encore EDF mènent la même stratégie.

Sanofi Pasteur veut revoir le temps de travail. Le marché des vaccins est promis à un bel avenir et Sanofi Pasteur est très bien positionné sur ce secteur. Ce dernier vient ainsi de mettre au point le premier vaccin contre la dengue. Le laboratoire pharmaceutique compte donc investir jusqu'à 500 millions d'euros d'ici 2019 pour moderniser ses installations et assurer la production des années à venir. Une telle opération doit être anticipée car il faut en moyenne cinq années entre la mise au point d'un vaccin et le début de la production.

Mais ce n’est pas parce que le groupe est français qu’il compte investir dans l’Hexagone : d’après ses calculs, les salariés français travailleraient autour de 1.500 heures par an, contre environ 1.700 heures pour leurs collègues américains et canadiens. Et la direction de préciser que le temps de travail dans l'entreprise va de 28 heures à 33 heures par semaine maximum selon les métiers.

Sanofi Pasteur estime donc qu’il n’a aucun intérêt à investir dans le pays où la main d’oeuvre lui coûte le plus cher. A moins que ses 6.400 salariés français acceptent de renoncer à certains de leurs avantages pour redevenir compétitif par rapport à leurs collègues étrangers. Objectif : rallonger le temps de travail pour qu'il se rapproche des 35 heures hebdomadaires.

Des négociations qui virent au bras de fer. La direction du groupe a donc proposé aux organisations syndicales de modifier les accords sur l'organisation du travail, des négociations qui ont visiblement mal fini : le laboratoire a annoncé jeudi qu’il dénonce l’ensemble de ces accords. En clair, l’entreprise souhaite revoir l’ensemble des règles qui régissent sa vie interne. Si ce n'est pas le cas, c'est l'accord de branche qui s'appliquerait, or ce dernier est moins avantageux.

"Sanofi prône le dialogue social mais commence par mettre un poing dans la gueule de ses salariés en dénonçant les accords", a réagi lundi Thierry Bodin, coordinateur CGT du groupe.  "Concrètement, ils ont dit vouloir nous supprimer 9 RTT pour passer à 12" et "pour l'instant ils ne parlent pas de compensation salariale donc cela revient à baisser le salaire horaire", a renchéri Laurent Biessy, représentant du syndicat sur le site de Marcy l'Etoile. Et ce dernier d’ajouter que l'entreprise voudrait également "favoriser l'annualisation des heures, une flexibilité accrue, bref des gens corvéables" et agiterait un "chantage à l'emploi inacceptable: vous acceptez de revoir les accords ou on investit à l'étranger".

Les représentants syndicaux sont d'autant plus agacés que la direction présente la situation d'une manière qui leur semble biaisée. Sanofi Pasteur estime que l'existence de 47 accords différents complique la gestion de l'entreprise ? Les syndicats rappellent que c'est l'entreprise qui l'a voulu et qu'eux ont toujours plaidé pour un nombre d'accords bien plus restreint. Quant au temps de travail en-deçà des 35 heures, les syndicats rappellent qu'il est le fruit de l'organisation du travail : les chaines de production tournant 7 jours sur 7, certains employés ne travaillent que les week-end ou en horaires décalées. D'où des horaires allégés.

Comme un air de déjà vu. Une activité menacée, la promesse d’investissements en échange de concessions des employés : Sanofi Pasteur n’est pas la première entreprise à employer cette tactique. Bien que les situations soient très différentes selon les entreprises, Air France, Renault, Smart ou encore EDF ont suivi la même philosophie. Autant de sociétés dont les accords internes sont plus généreux que la moyenne mais de plus en plus contestés.

Chez Air France, la direction menace de fermer certaines lignes et donc de réduire sa flotte si ses employés n’acceptent pas de nouveaux efforts, notamment en termes de temps de travail. Et si ces derniers refusent, la menace est claire : les investissements iront surtout vers le partenaire KLM. Chez Renault, les salariés ont accepté de travailler 35 heures par semaine, contre 32 heures auparavant, en échange du maintien de la production. Dans le cas contraire, la production aurait continué à être redirigée vers les sites espagnols (qui ont accepté le même compromis), slovènes ou encore turques.

Suivant la même philosophie, la direction du constructeur automobile Smart tente de faire passer un accord similaire. Baptisé "Pacte 2020", ce dernier prévoit notamment un retour aux 39 heures travaillées payées 37 heures et une diminution des jours de RTT pour les cadres. En échange, elle s'engage à ne procéder à aucun licenciement économique d'ici à 2020. Si les employés ont accepté un tel marché lors d'un référendum, les organisations syndicales n'en veulent pas et bloquent la procédure. EDF a bien tenté de faire de même avec ses 30.000 cadres en proposant une augmentation du temps de travail et le passage au forfait jour contre une augmentation salariale. En vain pour l'instant.