Pourquoi la volonté de Facebook de quitter l'Europe révèle une fragilité

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André Loesekrug-Pietri
Le cofondateur de Facebook devenu Meta, Mark Zuckerberg a annoncé qu'il pourrait fermer Facebook et Instagram en Europe parce qu'il proteste contre les lois protectrices des données personnelles. Une menace qui dévoile la fragilité de ces plateformes, estime l'éditorialiste André Loesekrug-Pietri.
EDITO

Des big techs américaines qui ne sont pas si invulnérables. Le cofondateur de Facebook devenu Meta, Mark Zuckerberg, a annoncé il y a quelques jours qu'il pourrait fermer Facebook et Instagram en Europe car l'entreprise s'oppose à de nouvelles lois plus protectrices des données personnelles des internautes européens. Selon l'éditorialiste André Loesekrug-Pietri, cette menace relève du chantage et montre à quel point ces plateformes ont pris un poids qui équivaut à celui de certains Etats.

Les dirigeants de Facebook sont en train de se transformer en Meta, parce qu'ils préparent l'arrivée dans le Metavers, cette fameuse réalité virtuelle. Un de leurs investisseurs historiques, Peter Thiel, un soutien de Donald Trump, vient de quitter le conseil d'administration. Un élément peut-être plus important : depuis jeudi dernier, le cours de bourse a fait -30%, du jamais vu dans l'histoire. Facebook a perdu près de 270 milliards de dollars.

Une décennie de rentabilité publicitaire

Pourquoi cette dégringolade ? En réalité, nous sommes en train de voir des plaques tectoniques en train de bouger. Il y a une croissance beaucoup plus faible. Ce que cachent ces résultats, c'est une bataille de titans entre les différents géants de la tech. Dans les années 2000, toutes les applications, comme celles de nos téléphones, avaient un mouchard, appelé Udid, qui permettait à chacun de ces géants de suivre les déplacements des utilisateurs.

En 2012, Apple a décidé de rendre cette opération optionnelle, mais active par défaut. C'était bien avant le règlement européen du RGPD en 2018. Pendant près de dix ans, on a vécu avec le fait que chacun d'entre nous se faisait pister. Les conséquences immédiates étaient que 70% des dépenses publicitaires allaient sur les trois géants de la tech : Amazon, Google et Facebook. C'est ce qui explique leur succès.

Pourquoi l'assaut du Capitole a été un tournant

Le tournant politique réside peut-être dans l'assaut au Capitole à Washington, aux États-Unis, qui a crûment exposé le rôle des réseaux sociaux, et en particulier Facebook, dans cette crise-là. Chacun des géants joue désormais sa partition. La plupart d'entre eux sont sortis des pures dépenses publicitaires. Mais Facebook est exposé parce que, justement, il est encore essentiellement sur ce modèle publicitaire. En janvier 2021, le patron d'Apple Tim Cook a fait un discours politique en disant que "les réseaux sociaux peuvent mener à une catastrophe sociétale".

Le patron d'Apple a mis en question le modèle qui fait que plus les utilisateurs sont actifs, notamment face à des contenus violents ou conspirationnistes, plus ils rapportent de la publicité. Le coup de tonnerre est arrivé il y a dix mois : le pistage doit désormais être décidé de manière volontaire sur les appareils de la marque à la pomme. La plupart des utilisateurs ont donc décidé de ne pas l'activer.

Apple sert également ses intérêts. L'entreprise veut se montrer vertueuse sur le respect de la vie privée. Facebook essaye de contre-attaquer en disant que ça va essentiellement toucher les PME, que les investissements publicitaires vont redevenir non ciblés, et que cela engendrera beaucoup de pertes d'argent.

"Il faut que les Français, les Européens créent le monde du futur"

Il y a principalement deux déboires pour Facebook. Il ne faut surestimer la puissance réglementaire de l'Europe, qui est totalement spectatrice sur ce sujet-là. Ce qui est frappant, c'est que ces géants ont un impact plus important aujourd'hui que la plupart des États sur notre vie à tous.

Le deuxième enseignement est peut-être un appel. Il faut que les Français, les Européens créent le monde futur. "Tout va mal, mais mon centre cède, ma droite recule. La situation est excellente. J'attaque", disait une phrase célèbre du maréchal Foch.