Loi Travail : Myriam El Khomri dénonce devant les députés "un débat lesté de malentendus"

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L’examen du projet de loi Travail a débuté mardi à l’Assemblée nationale. Les débats doivent durer jusqu'au 12 mai. 

Après avoir dû affronter les syndicats, les manifestants et même une partie de son propre camp politique, Myriam El Khomri livre une nouvelle bataille. La ministre du Travail a présenté mardi son projet de loi Travail à l’Assemblée nationale, avant que les députés s’emparent du sujet.

En guise d'introduction, la ministre dénonce "un débat lesté de malentendus". "Le temps de l'hémicycle est venu. (...) je suis impatiente de revenir au texte", a déclaré la ministre du Travail en guise d'introduction, avant de dénoncer "un débat lesté de malentendus", "un jeu de rôle convenu" fait de "caricature" et de "mauvaise foi". Et Myriam El Khomri de répondre à ceux qui dénoncent un texte libéral : "je suis une femme de gauche (...) Mes convictions, je ne les trahis pas".

Puis la ministre a vanté les vertus de son projet de loi devant un hémicycle devenu bien vide après les traditionnelles questions au gouvernement : "ce projet de loi nous fait entrer dans une nouvelle ère". Ce texte repose "sur trois piliers aussi solides que solidaires : un dialogue social moteur de notre transformation, une dynamique économique créatrice d'activité et d'emplois, un modèle social renouvelé". "Ce projet de loi est porteur de progrès social", a-t-elle résumé. 

"Nous aimons les syndicats et nous aimons les entreprises". Dans une volonté affichée de tourner la page, Myriam El Khomri a ensuite adressé un message à ceux qui ont vivement combattu son texte. "Nous assumons de donner aux syndicats une place et un rôle qu'ils n'ont jamais eu dans notre république sociale. (C'est) aux partenaires sociaux de savoir se montrer à la hauteur de ce nouveau rôle et de savoir aussi, lorsque c'est nécessaire, se remettre en question", a-t-elle souligné.

"Cette loi augmente considérablement les moyens des représentants syndicaux, leur présence dans les entreprises. (...) Les partenaires sociaux pourraient-ils assumer de ne pas accepter le pouvoir qui leur sera donné demain ?", a ajouté la ministre. Les employeurs n'ont pas été en reste. Dénonçant "une vision manichéenne du monde de l'entreprise" et vantant "le talent et la créativité de nos entrepreneurs", Myriam El Khomri a souligné que "les entreprises sont le socle de notre prospérité collective". Espérant réussir à rapprocher les points de vue, la ministre a conclu son discours en espérant "un débat loyal et éclairant".

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Un projet de loi pour quoi faire ? Déjà modifié à plusieurs reprises sous la pression des syndicats, le projet de loi Travail s’attaque au Code du travail dans l’espoir de rendre le marché du travail plus fluide et dynamique. Le gouvernement veut apporter plus de visibilité et de souplesse aux entreprises. Outre une simplification du Code du travail, ces dernières pourraient plus facilement moduler les conditions de travail (temps de travail, rémunération, heures supplémentaires, etc.), mais aussi licencier. Pour que les travailleurs y trouvent aussi leur compte, la loi instaure aussi un Compte personnel d’activité et une Garantie jeunes.

Un débat parlementaire qui s’annonce long. "Cette réforme est juste et nécessaire, elle sera votée avant l'été, et donc applicable immédiatement après", déclarait Myriam El Khomri, mi-mars sur Europe 1. Ainsi, les débats parlementaires sont programmés jusqu’au 12 mai, avec un vote solennel le 17. Les députés risquent néanmoins contrarier cet agenda serré car ce projet de loi est très contesté. Ainsi, pas moins de 4.983 amendements ont été déposés, c’est-à-dire presque autant que lors du débat sur la loi sur le mariage pour tous. C’est un véritable marathon parlementaire qui s’annonce.

Un projet de loi sans majorité. Les débats seront d’autant plus houleux que le gouvernement ne dispose pas d’une majorité pour faire voter son texte : outre l’opposition de droite, plusieurs députés de gauche ont prévu de contester le projet de loi. "Il manque près de 40 voix pour obtenir une majorité et voter la loi", comptabilisait mardi le rapporteur du texte, le député PS Christophe Sirugue.

Le gouvernement dispose bien d’une solution pour faire passer son texte : l’article 49.3 de la Constitution, qui permet de passer outre l’avis des parlementaires. Mais ce passage en force serait du plus mauvais effet en termes de démocratie, si bien que Myriam El Khomri l’a promis une nouvelle fois mardi: elle "refuse de faire planer la menace" du recours au 49.3. C’est donc par le dialogue que la ministre espère convaincre les députés.

Un texte qui pourrait changer significativement. Rapprocher les points de vue ne sera pourtant pas aisé, tant les sujets de divergences sont nombreux. Mais plusieurs points de la loi Travail cristallisent les débats : la réforme du licenciement économique, les référendums d’entreprise, la surtaxe des CDD ou encore les accords de maintien de l’emploi. Ces chapitres seront donc probablement les premiers à évoluer.