Les associations, grandes perdantes de la réforme de l'ISF

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Comme beaucoup d'autres associations, le Secours populaire s'inquiète de la baisse des dons. © DOMINIQUE FAGET / AFP
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Le recentrage de l’ISF sur la fortune immobilière inquiète les associations qui craignent de voir de nombreux donateurs assujettis à l’ISF arrêter de faire des dons car ils ne bénéficieront plus de l’exonération fiscale.

C’est une conséquence inattendue de la disparition de l’impôt sur la fortune mais qui pourrait avoir de lourdes conséquences : le recentrage de l’ISF sur la seule fortune immobilière risque d’entraîner… une baisse des dons aux associations. En effet, cette transformation va faire sortir un certain nombre de contribuables fortunés du calcul de l’impôt. Or, ceux qui effectuent un don à un organisme dit d’intérêt général bénéficient aujourd’hui d’une défiscalisation à hauteur de 75% du montant du don. Avec ce changement, les associations craignent de voir leur échapper une centaine de millions d’euros.

Jusqu’à 150 millions d’euros en moins. "Le gouvernement considère que le transfert de l'ISF à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) va se faire naturellement. Mais si vous calculez que l'ISF rapporte à l'État cinq milliards d'euros alors que l'IFI rapportera environ 1,5 milliard, vous voyez que l'assiette de calcul pour le contribuable va considérablement baisser", souligne sur Europe 1 Françoise Sampermans, présidente de France Générosités, le syndicat professionnel des organismes de collecte de dons. Sur les 351.000 foyers assujettis à l’ISF actuellement, environ 43.000 réduisent leur impôt en faisant des dons. Un nombre qui devrait logiquement baisser l’année prochaine avec l’IFI.

Résultat, France Générosités anticipe une perte de 120 à 150 millions d’euros de dons, sur les 220 millions donnés en 2016 par les contribuables qui payent l’ISF (soit 10% des dons déclarés au fisc). Tous les dons ne vont pas disparaître puisque le système d’exonération des "dons-ISF" à destination des fondations d’utilité publique perdurera pour les citoyens qui paieront l’IFI. "On ne touche pas aux dons", assure-t-on à Bercy.

Associations dépendantes des dons-ISF. Reste que la très probable réduction du montant des dons liés à l’ISF inquiète les associations, à l’image de la Fondation Caritas, affiliée au Secours Catholique, qui pourrait être fortement impactée. "Nous anticipons une baisse des dons de 50 à 70%", assure Jean-Marie Destrée, délégué général adjoint de la Fondation. Et le montant n’est pas négligeable. "Nous recueillons en notre nom propre huit millions d’euros, par an, de dons de la part de contributeurs qui payent l’ISF, auxquels il faut ajouter douze millions collectés par l’ensemble des 90 fondations que nous abritons. Soit un total de vingt millions annuels", précise-t-il. "Tout ne provient pas de dons-ISF mais ils représentent une large partie."

" Vous êtes exonérés de l’ISF mais ne nous oubliez pas pour autant "

Même crainte du côté des Restos du Cœur, même si aucun chiffrage des pertes n’a été réalisé. "Nous sommes inquiets et très vigilants quant à l’avenir de cette réforme", confie-t-on au sein de l’association. Pour Jean-Marie Destrée, il ne fait aucun doute que l’exonération fiscale est une motivation pour les contribuables qui payent l’ISF. "On observe toujours un pic de dons juste avant la clôture de la déclaration d’ISF", assure le délégué de la Fondation Caritas qui ne cache pas que "les perspectives sont plutôt pessimistes".

Appel aux contribuables aisés. Selon Françoise Sampermans, cette baisse des dons se fera immédiatement ressentir par les populations fragiles qui ont recours aux associations. "Ce sont des programmes d'accompagnements, d'aides, de soins que nous ne pouvons pas dispenser. Ce sont des milliers de foyers, des milliers de personnes qui ne seront pas assistés", explique-t-elle. "C’est un nouveau coup dur pour la redistribution des richesses puisque ce sont les mêmes associations qui subissent déjà la baisse des subventions qui vont à nouveau être touchées", complète Jean-Marie Destrée.

Au-delà de la perte anticipée l’an prochain, les associations craignent que les contribuables aisés perdent l’habitude de faire des dons. Pour remédier à ce risque, plusieurs d’entre elles réfléchissent déjà à de futures campagnes de communication ciblées. "Au moment de la collecte de l’IFI, nous allons communiquer auprès de nos gros donateurs pour leur faire une piqûre de rappel", affirme-t-on chez Caritas. "Le message est simple : ‘Vous êtes exonérés de l’ISF mais ne nous oubliez pas pour autant’."