La France prépare sa conversion aux fonds de pension

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ARGENT - Le ministre Emmanuel Macron prône la mise en place de fonds de pension "à la française". Avec quelques nuances par rapport au modèle américain. 

Emmanuel Macron est un adepte de la transgression. Le ministre de l’Economie l’a montré une nouvelle fois vendredi en proposant d’autoriser la création de fonds de pension en France. Mais que les Français se rassurent : il ne s’agirait pas d’enterrer le système de retraite par répartition, ni de dupliquer le modèle américain mais plutôt de l’adapter aux habitudes françaises. Mais à quoi pourraient bien servir de tels fonds de pension "à la française" ?

Qu’est-ce qu’un fonds de pension ? Un fonds de pension est un outil d’épargne qui sert à financer sa retraite. Chaque mois, le travailleur, mais aussi parfois son employeur, versent une cotisation qui est confiée à un fonds de pension. Charge à ce dernier de placer l’argent récolté, de le faire fructifier pour qu’il soit disponible lorsque le travailleur arrive à la retraite. A partir de ce moment là, les flux financiers s’inversent : le fonds de pension rend chaque mois une partie de l’argent épargné.

Il y a cependant fonds de pension et fonds de pension : en France, ils sont par exemple facultatifs et permettent aux plus précautionneux de toucher de l’argent en plus de leur retraite. Ils constituent en revanche le système de base dans de nombreux pays anglo-saxons : on parle alors de système de retraite par capitalisation, par opposition avec le système de retraite par répartition propre à la France (les travailleurs actuels paient les pensions des retraités actuels).

Que propose Emmanuel Macron ? Conscient que la moindre de ses déclarations est scrutée, le ministre de l’Economie a tenu à préciser ses intentions. "Soyons clairs, notre objectif n'est pas de modifier les équilibres entre la retraite par répartition et par capitalisation en France, ni de bouleverser le marché des produits d'épargne retraite", a assuré Emmanuel Macron, vendredi en clôture d'une journée organisée par la Fédération française des sociétés d'assurances.

Le ministre ne souhaite donc pas toucher au système de base obligatoire, ni aux régimes complémentaires obligatoires (Agirc ou Arrco par exemple) : seuls les régimes supplémentaires seraient concernés par la réforme prônée par Emmanuel Macron. C’est-à-dire les Plans d’épargne retraite populaire (Perp), Plans d’épargne retraite collectif (Perco), ou encore les contrats Madelin. Les assurances vie ne semblent pas en revanche être concernées par la réforme prônée par le ministre.

Quel est l’intérêt d’une telle réforme ? Emmanuel Macron espère résoudre ainsi un double problème. Il y a d’abord les besoins de financement des entreprises : malgré la baisse historiques des taux d’intérêt et l’abondance de liquidités, ces dernières peinent à convaincre les banques de leur prêter des fonds pour se développer. En face, les fonds de pension supplémentaire français disposent de beaucoup d’argent mais peinent à l’investir : ils avaient  l’habitude d’investir cet argent dans des obligations d’Etat, sauf que ces dernières sont de moins en moins rentables.

Avec sa future loi baptisée "Noé" pour "nouvelles opportunités économiques", Emmanuel Macron souhaite donc que cet argent disponible puisse être investi dans les petites et moyennes entreprises qui cherchent à se développer. Or, l’enjeu est de taille : les fonds relevant de régimes supplémentaires collectifs disposeraient de près de 130 milliards d’euros qui "pourraient être mobilisés, au bon niveau, pour le financement de l'économie, notamment de la transition énergétique". Du côté de l’assureur français Axa, on ne cache pas son enthousiasme et on juge le projet d’Emmanuel Macron "formidable".

Un pari audacieux ? Problème : les organismes de gestion des retraites supplémentaires ne peuvent pas utiliser n’importe comment l’argent collecté. Gérant l’épargne sur le long terme, ils se doivent d’être particulièrement prudents. Or, les règles auxquelles ils sont soumis viennent en plus d’être renforcées : pour éviter une nouvelle crise des subprimes, les pays de l’Union européenne ont adopté un ensemble de nouvelles règles prudentielles baptisé Solvabilité 2. L’objectif est d’obliger les banques et  sociétés d’assurance à mettre plus d’argent de côté pour éviter de devoir à nouveau appeler les Etats à l’aide en cas de nouvelle crise.

Le ministre de l’Economie propose donc que les organismes de gestion des retraites supplémentaires soient exemptés de telles règles. "Nous ne devons pas tomber dans les excès de la régulation", a-t-il argumenté, "sans, évidemment, remettre en cause le niveau de prudence vis-à-vis des assurés". Une prudence qui s’impose : suite à la crise des subprimes, de nombreux retraités américains avaient vu leur pension s’évaporer en même temps que les Bourses s’écroulaient.