Les douze industriels ont été condamnés à payer 93 millions d'euros d'amende au total. (Photo d'illustration) 1:35
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Olivier Samain et Ugo Pascolo avec AFP , modifié à
Après plus d'un an et demi d'enquête, douze industriels du jambon, parmi lesquels le groupe Fleury Michon, ont été condamnés à payer 93 millions d'euros au total par l'Autorité de la concurrence. De l'abattoir à la caisse du supermarché, ils s'entendaient sur les prix pour assurer leur marge. 

Réunions secrètes dans des hôtels, coups de téléphone répétés... Au mépris de toutes les lois de la concurrence, douze industriels du jambon et de la charcuterie ont été condamnés jeudi à payer 93 millions d'euros au total, par l'Autorité de la concurrence, pour des ententes sur les prix entre 2010 et 2013. Parmi les groupes sanctionnés au terme d'une enquête longue de plus d'un an et demi : des noms bien connus du grand public comme le groupe Fleury Michon, ou Les Mousquetaires (Intermarché, Netto). 

Un accord contre les producteurs de matière première...

Ce sont en réalité deux ententes distinctes qui ont été mises à jour par les enquêteurs, deux accords qui permettaient à ce "cartel du jambon" d'assurer ses marges de la caisse du supermarché, jusqu'à l'abattoir. Et c'est justement là qu'entrait en scène la première entente : "Les charcutiers-saisonniers se contactaient individuellement par téléphone avant le début des négociations avec les abatteurs, généralement le jeudi après-midi ou le vendredi matin, afin d'aboutir à une position commune de négociation", décrit l'Autorité dans un communiqué. 

... et une entente sur les prix en rayon

La deuxième entente concernait les négociations avec la grande distribution, avec un principe identique : se mettre d'accord sur un prix de vente en-dessous duquel il ne fallait pas descendre. Les enquêteurs de l'Autorité de la concurrence ont pu établir que les marques de charcuterie se sont passées de multiples coups de téléphone et ont organisé au moins six réunions multilatérales ultra secrètes dans deux hôtels, l'un à Paris et l'autre près de Lyon.

Deux parties ont révélé les ententes

Ces ententes auraient pu durer certainement encore quelques années, si plusieurs parties concernées n'avaient pas révélé le pot-aux-roses, dans le cadre de la procédure dite "de clémence", qui permet "aux entreprises ayant participé à une entente d'en dévoiler l'existence à l'Autorité et d'obtenir, sous certaines conditions, le bénéfice d'une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire", détaille l'Autorité de la concurrence.

"En l'espèce, deux groupes, Campofrio (Aoste, Jean Gaby) et Coop, ont sollicité la clémence et apporté des éléments à l'instruction", précise encore le communiqué. Ils ont néanmoins été sanctionnés, à hauteur respectivement d'un et six millions d'euros. La demande de clémence de Campofrio remonte à octobre 2012. De son côté, la plus forte sanction (35,5 millions d'euros) vise le leader français de la production porcine, la coopérative Cooperl, qui possède six sites intervenant dans la fabrication de charcuterie.

Coopérative qui a par ailleurs qualifiée l'affaire de "manipulation" : "Cette décision sanctionne de manière extrêmement lourde un groupe coopératif sur la base d'éléments aussi faux que calomnieux qui ont été créés de toutes pièces par un groupe concurrent." Très connu du grand public, le groupe Fleury Michon écope lui de près de 14,8 millions d'euros d'amende.

Un précédent dans la filière porcine

Ce n'est pas la première fois que la filière porcine est dans le collimateur de l'autorité de la concurrence. Le 13 février 2013, celle-ci avait condamné à 4,5 millions d'euros d'amende cinq abattoirs bretons pour avoir "diminué de façon coordonnée leurs abattages de porcs" en 2009 afin de faire baisser le prix de la viande payé aux éleveurs.