En pleine zone de turbulence, Airbus s'apprête à éjecter sa direction

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La non-reconduction de Tom Enders après 2019 pourrait être entérinée jeudi. © Christian Charisius / dpa / AFP
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François Geffrier et Daniel Fortin, édité par R.Da.
Alors que le géant aéronautique européen est en pleine tourmente, son président Tom Enders et son directeur exécutif Fabrice Brégier seraient poussés vers la sortie.

Airbus rentre en pleine tourmente. Le groupe aéronautique devrait perdre son président mais aussi son directeur général, emportés par les soupçons de corruption. Tom Enders, le président allemand du groupe, aurait décidé de ne pas briguer un troisième mandat, ses fonctions prenant fin en avril 2019, selon des révélations du Figaro. Son directeur général, le français Fabrice Brégier, qui aurait pu lui succéder, serait également évincé, Tom Enders estimant,  selon une information des Echos, qu’il n’a pas été suffisamment solidaire dans l’épreuve que traverse le groupe.

Airbus est en effet soupçonné d’avoir versé des commissions à des intermédiaires pour vendre des avions en Turquie, en Chine et en Autriche. "La décision sur mon avenir en tant que président exécutif d'Airbus n'est prise ni par la presse française ou le gouvernement français, ni par aucun gouvernement", a affirmé de son côté le patron du constructeur européen auprès de l'AFP, alors même qu'un conseil d'administration jeudi pourrait entériner sa non-reconduction.

Un groupe en difficulté. Si l'on compare le groupe à un avion, on peut dire qu’il lui faut un pilote concentré à 100% sur son tableau de bord et sur sa trajectoire, et pas sans arrêt occupé à regarder derrière lui. Or, depuis des mois, des avocats ont été missionnés par la direction pour enquêter en interne sur cette affaire de corruption. Des milliers de documents sont examinés et des dizaines de salariés interrogés dans une ambiance délétère. En parallèle, les défis du groupe sont immenses : fabriquer des milliers d’avions A320, régler les déboires de l’avion militaire A400M, relancer les hélicoptères, et, bien sûr, imaginer le futur de l’aviation tout en parachevant des plans de suppressions de centaines d’emplois. Car Airbus est en difficulté. Selon des informations de l'agence Reuters, l'industriel envisagerait notamment de diviser par deux sa production d'A380, passant ainsi de douze à six par an. Difficile à remplir, concurrencé par les biréacteurs et notamment le Boeing 777, le quadrimoteurs aux 500 places se vend beaucoup moins bien que ce qu'espéraient ses promoteurs lors de son lancement en 2007.

Pénalité financière. Or, comment régler ces problèmes lorsque l'on est sans arrêt en lien avec la justice française, britannique, autrichienne et peut-être demain américaine ? Les départs de Tom Enders et de Fabrice Brégier pourraient ainsi être interprétés comme une tentative d’amadouer les juges qui instruisent ces affaires à l'international. Il faut aussi savoir que depuis le début de l'enquête, Airbus a décidé de coopérer afin d’essayer d’éviter de très lourdes condamnations au pénal. Pour autant, le groupe risque gros avec des amendes qui peuvent monter jusqu'à 30 % de son chiffre d’affaires, soit au bas mot 20 milliards d’euros.

Un inévitable sacrifice ? Bref, une épée de Damoclès financière qui justifie que, dans un contexte déjà compliqué, tout soit mis en œuvre pour éviter une telle condamnation, y compris le départ des dirigeants actuel. "Tom Enders n'est plus en capacité de tenir correctement son poste", a confié à Europe 1 un ministre français. "On est ni pour ni contre Enders, mais s’il s’en va, c’est pas grave", souffle de son côté un représentant de la CFDT, non sans une certaine inquiétude pour l’avenir : "Si Enders saute, nous on sera encore là !"