ÉDITO - Rapport de la Cour des comptes : "Ça fait 45 ans que ça dure, nous sommes dans le déni"

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Jean-Michel Aphatie, édité par Grégoire Duhourcau
Jean-Michel Aphatie est revenu sur le rapport annuel de la Cour des comptes, que l'"on ferait mieux d'écouter". L'éditorialiste en appelle à "prendre conscience du problème" de la dette "avant qu'on en crève".

>> La Cour des comptes a publié son rapport annuel 2019 mercredi, mettant en lumière des exemples de mauvaise gestion de l'argent public. "Chaque année, on ne dépense plus qu'on ne gagne", explique notre éditorialiste Jean-Michel Aphatie, tout en déplorant le fait que "ça fait 45 ans que ça dure" et que "tout le monde s'en moque complètement".

"La Cour des comptes nous dit que les finances ne vont pas bien. On l’écoute poliment mais rien ne change, tout le monde s’en moque complètement. Il faut quand même concrétiser un peu le problème. Qu’est-ce que ça veut dire : 'L’état des finances publiques est préoccupant ?' Ça veut dire que chaque année, on dépense plus qu’on ne gagne. Plus précisément encore, ça veut dire que la totalité de la richesse produite par les entreprises est inférieure à la somme dépensée chaque année par l’État.

"Est-ce que ça va durer encore 45 ans comme ça ?" Ça fait 45 ans que ça dure, depuis 1974. Ce n’est pas une fatalité, les Allemands, c’est l’inverse. L’État allemand dépense moins que la richesse produite aujourd’hui, en Allemagne, chaque année. Nous, depuis 45 ans, c’est l’inverse. Est-ce que ça va durer encore 45 ans comme ça ? Evidemment, non. C’est un problème. Et l’information qu’il faut retenir, c’est que nous ne regardons pas ce problème, que nous sommes dans le déni et psychologiquement, c’est toujours très grave d’être dans le déni.

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C’est un trait culturel profond, nous n’admettons pas que l’argent détermine les choix politiques. Le général de Gaulle a synthétisé ça dans une formule. Il était président de la République dans les années 60. La bourse baissait et un jour il a dit : 'Les choix de la France ne sont pas déterminés par la corbeille'. A l’époque, la corbeille symbolisait la bourse.

"Les Français ont mis, à la tête de l'État, des dirigeants objectivement dépensiers." En disant cela, Charles de Gaulle exprimait quelque chose qui est partagé par la quasi-totalité des Français, au point que, dans notre histoire récente, soit par le vote, soit par le jeu de la politique, nous avons écarté systématiquement les dirigeants politiques qui avaient le souci de remettre les finances publiques à l’équilibre : Raymond Barre, Michel Rocard, Jacques Delors et Alain Juppé. A l’inverse, par leur vote, les Français ont mis à la tête de l’État, des dirigeants objectivement dépensiers : François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy. Ils ont sacrément creusé la caisse tous les trois.

Le résultat, c’est 2.350 milliards d’euros de dette, 98% de la richesse produite chaque année. La dette des Allemands, c’est 64% donc on peut quand même mieux faire. Pour gérer cette dette, nous avons accumulé les impôts et les taxes. Cette accumulation d’impôts et de taxes a provoqué la colère des 'gilets jaunes'. Pour calmer la colère des 'gilets jaunes', on dépense de l'argent : 12 milliards d'euros d'argent non prévu ont déjà été dépensés en décembre et peut-être plus à la fin du 'grand débat national'.

"On ferait mieux d'écouter la Cour des comptes." Pour financer ces dépenses imprévues, qu'est-ce qu'on va faire ? On va créer des impôts et des taxes qui, elles-mêmes, vont alimenter ou continuer d'alimenter la colère. C'est un cercle mortifère. C'est un cercle qui, un jour, va nous faire mourir, au sens littéral du terme. Ce n'est pas durable. Ça ne durera pas 45 ans comme ça donc on ferait mieux d'écouter la Cour des comptes, de prendre conscience du problème et d'avoir envie, tous ensemble, de le régler avant qu'on en crève. Ça me semble plutôt du bon sens."