Comment les députés tentent de "gauchiser" la loi Travail

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La ministre du Travail, Myriam El Khomri, à l'Assemblée nationale. © PATRICK KOVARIK / AFP
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Margaux Baralon
SOCIAL - La commission des Affaires sociales à l'Assemblée, qui examine la loi El Khomri cette semaine, a adopté plusieurs amendements pour réorienter le texte.

Lorsqu'elle était venue présenter sa réforme du travail devant la commission des Affaires sociales, fin mars, Myriam El Khomri avait été prévenue : pas question de lui faire de cadeaux. "Nous avons là un texte qui mérite encore d'être précisé", avait déclaré le socialiste Christophe Sirugue, rapporteur du projet de loi. De son côté, Catherine Lemorton (PS), présidente de la commission, avait fustigé le manque de concertation avec les parlementaires pendant la préparation du texte.

Depuis mardi, les 70 députés concernés s'affairent donc pour amender la loi Travail. Comme attendu, les élus Républicains ont bien tenté de revenir à la première mouture du texte, avant que l'exécutif ne revoie sa copie sous la pression de la rue. En vain. Détricotage pour les uns, rééquilibrage bienvenu pour les autres, la commission des Affaires sociale a plutôt réorienté le texte vers la gauche.

Congés dès l'embauche. Le patronat n'en voulait pas mais les députés en ont décidé autrement. Les salariés qui auraient accumulé des congés avant de changer d'emploi pourront les prendre "dès leur embauche". Un amendement de la socialiste Marie-Françoise Clergeau a en effet été adopté en ce sens.

En outre, la commission a décidé d'allonger la durée du congé exceptionnel prévue en cas de décès d'un enfant. De deux jours actuellement, celui-ci passera à cinq jours. Une suggestion portée par 21 députés socialistes et inspirée d'une idée de l'ancienne ministre déléguée aux Personnes âgées, Michèle Delaunay.

CPA pour les retraités. Depuis le début de la présentation de la loi Travail, le compte personnel d'activité (CPA) est la grande caution "de gauche" du texte. Ce serait même, aux dires de Jean-Christophe Cambadélis, "la grande avancée du quinquennat" de François Hollande. Ce dispositif permet aux travailleurs de conserver leurs droits à la formation, leur compte pénibilité et un "compte d'engagement citoyen" tout au long de leur vie professionnelle.

Les députés de la commission ont décidé de l'étendre également aux retraités. "Comment on explique que le jour où vous partez à la retraite, on ferme votre compte ?" a justifié Christophe Sirugue. "Cela voudrait dire qu'à l'âge de la retraite on vous ferme votre plateforme d'accès aux droits." Concrètement, cette extension permettra aux retraités de continuer de capitaliser des activités associatives sur leur "compte d'engagement citoyen". Au grand dam de la droite, qui juge tout le dispositif très complexe.

Des accords offensifs sous conditions. Depuis 2013, les entreprises et leurs salariés ont la possibilité de signer des accords de maintien dans l'emploi (AME) pour adapter les conditions de travail lorsque l'employeur traverse une période difficile. La loi Travail de Myriam El Khomri introduit plus de flexibilité encore, avec des accords dits "offensifs", signés dans le cadre d'un surcroît d'activité. Concrètement, le temps de travail des salariés pourra être allongé, ou organisé différemment, sans augmentation de salaire.

Très critiquée à gauche, cette mesure a été confirmée par les députés, qui y ont cependant apporté une condition. Dans la version originale du projet de loi, si les salariés refusaient de se soumettre à un accord offensif, ils pouvaient être licenciés pour motif personnel. La commission des Affaires sociales a remplacé ce point par un licenciement pour motif économique. Les droits exacts du salarié licencié doivent encore être précisés, mais ils seront plus avantageux que dans le cas d'un licenciement pour motif personnel.

" Les 11 heures de repos consécutives sont un impératif sanitaire et de qualité de vie. "

Les 11 heures de repos préservées. Autre dispositif très critiqué dans le projet de loi initial : la possibilité de déroger au principe des 11 heures de repos consécutives chaque jour. Les députés ont décidé de l'encadrer plus strictement avec un amendement écologique, qui n'autorise de dérogation qu'en cas d'urgence, dans des conditions fixées par décret. Un "impératif sanitaire et de qualité de vie" pour Jean-Louis Roumégas (EELV). Il sera cependant toujours possible de fractionner ces 11 heures de repos dans le cadre d'accords collectifs.

Le droit à la déconnexion avancé. Visant à garantir "l'effectivité du droit au repos", et éviter ainsi que des salariés continuent de se plonger dans leurs dossiers une fois de retour à leur domicile, le droit à la déconnexion était prévu pour entrer en vigueur au 1er janvier 2018. Il a été avancé d'un an par les députés de la commission des Affaires sociales. Les modalités précises du droit à la déconnexion doivent être abordées lors des négociations annuelles portant sur la qualité de vie au travail. Dans les structures de plus de 300 salariés, elles feront l'objet d'une charte.