Carburant : combien de temps la France peut-elle tenir ?

© FRED TANNEAU/AFP
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ESSENCE - Le blocage des raffineries décidé par les opposants à la loi Travail fait craindre aux automobilistes une pénurie d’essence.

Trois jours après le coup d’envoi donné par la CGT, le blocage des raffineries françaises commence à produire ses premiers effets : les automobilistes se sont rués dans les stations-essence tout le week-end. Résultat, certaines commencent à manquer de carburant, surtout dans le nord et l’ouest de la France, faisant craindre une pénurie imminente. Pour le gouvernement, cette crainte est exagérée : seules 1.500 des 12.000 stations-service sont concernées. Mais combien de temps le pays pourrait tenir avant d’être à sec si le mouvement se poursuivait ?

Les pétroliers ne parlent pas encore de pénurie. Si un nombre croissant d’automobilistes redoute de se retrouver à sec, cette crainte est prématurée aux yeux des entreprises du secteur pétrolier. "90% des stations sur le territoire national sont approvisionnées normalement", assurait samedi l’Union Française des Industries Pétrolières (Ufip). "Nous ne sommes pas en situation de pénurie au niveau du pays même si, localement, notamment dans le Grand Ouest, certaines stations peuvent être en rupture", a-t-elle ajouté. Et l’Ufip de rappeler lundi en début d'après-midi : "nous avons les produits nécessaires mais nous ne pouvons pas les distribuer normalement".

L’État promet 90 jours d’autonomie. Du côté du gouvernement, on se veut également rassurant : la France dispose de réserves suffisantes pour tenir 90 jours, a déclaré dimanche le secrétaire d'État aux Transports. Sur les 12.000 stations essence que compte le pays, "il y en a à peine 1.500 qui sont impactées en totalité ou en partie. Ca fait moins de 20%, certes concentrées dans certaines régions", a détaillé Alain Vidalies.

Mais il y a aussi et surtout les réserves stratégiques dont dispose la France pour faire face à toutes les éventualités, dont un mouvement de grève. Ces "stocks stratégiques, auxquels nous n'avons pas touché pour l'instant, permettent à la France d'avoir plusieurs semaines, de nombreuses semaines, de consommation devant elles", a ajouté le secrétaire d'État aux Transports. "Les raffineries ne représentent qu'une des formes d'approvisionnement. (...) La moitié des approvisionnements provient des importations et nous avons renforcé les importations", a renchéri lundi un porte-parole du ministère de l'Energie.

Les syndicats prévoient une pénurie plus rapidement. L’autonomie avancée par le gouvernement a rapidement été qualifiée de "virtuelle" par la CGT, principale organisation syndicale à la manœuvre dans ce bras-de-fer. "Ces stocks sont très fluctuants. Ils sont situés dans les raffineries pour la plupart et donc, à partir du moment où elles ne sont pas accessibles, ça devient difficile", a prévenu Emmanuel Lépine, secrétaire fédéral de la branche pétrole de la CGT. D’autant que le mouvement a pris de l’ampleur : de deux raffineries bloquées vendredi, on est passé à quatre samedi et à cinq lundi. "Cela va durer au moins la semaine", a d’ailleurs prévenu Emmanuel Lépine.

Une autonomie qui varierait plutôt entre 30 et 60 jours. L’estimation des réserves dont dispose la France n’est pas aisée : les blocages et déblocages de sites s’enchaînent et certaines raffineries ne sont pas à l'arrêt mais leurs accès est bloqué. Seule certitude, la promesse de 90 jours d’autonomie formulée par le gouvernement semble optimiste. En effet, la réglementation des stocks stratégiques prévoit de mettre de côté au minimum "soit 90 jours de d’importations journalières moyennes nettes, soit 61 jours de consommation intérieure journalière moyenne". Pour les automobilistes, c’est donc cette deuxième méthode de calcul qui s’applique et la France est alors plus proche des deux mois que des trois mois d’autonomie.

En charge de la gestion de ces stocks, la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) est même plus pessimiste : les stocks commerciaux pour les entreprises devraient tenir une "trentaine de jours", dixit le chef de cette administration, Laurent Michel. Le calendrier s’est donc accéléré et les automobilistes n’y sont pas pour rien : anticipant une pénurie pas encore avérée, ils consomment bien plus qu’habituellement et contribuent à épuiser plus rapidement les stocks français.

QUEL EST L’AMPLEUR DU BLOCAGE ?

La France compte huit raffineries, neuf sites pétrochimiques, 191 dépôts et 11.356 stations-service. Lundi, cinq raffineries étaient "à l'arrêt ou en cours d'arrêt", d’après la CGT. Pour les dépôts de carburant, le décompte est plus complexe : blocages et déblocages s’enchaînent, si bien que la CGT ne dispose pas d’un nombre précis de dépôts bloqués. Du côté des stations-services, environ 1.500 seraient en pénurie totale ou partielle. Le mouvement de grève s’étend également aux terminaux pétroliers, où sont débarquées nos importations : une grève de 24 heures reconductible a été déclenchée lundi chez Fluxel, le gestionnaire des terminaux pétroliers de Fos-sur-Mer et de Lavéra.