Après Alstom, l’Etat français va-t-il sauver Bombardier France ?

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François Geffrier , modifié à
Bombardier France réclame des commandes publiques pour pouvoir maintenir son activité. 
L'ENQUÊTE DU 8H

Le président de Bombardier France appelle à l’aide. Il a réclamé en début de semaine des commandes publiques dans un délai de 6 à 9 mois. "Au-delà, on sera dans une situation sociale extrêmement difficile", a déclaré Laurent Bouyer. La baisse d'activité sur le site à partir de début 2017 pourrait conduire au reclassement d'une centaine de personnes, prévient l'entreprise.

Un contrat à 2 milliards d’euros. Mais que demande exactement Bombardier France ? Pour sortir du marasme, l'industrie ferroviaire française compte sur l'appel d'offres du RER "nouvelle génération" en Ile-de-France, destiné dans un premier temps au prolongement à l'ouest de la ligne E, le projet Eole. Sa mise en service est prévue à l'horizon 2022, et 125 trains neufs doivent être commandés, pour environ 2 milliards d'euros. Bombardier France promet des trains "made in France", fabriqués à Crespin, dans le Nord.

"Pas de chantage mais une alerte". "Si on a la chance que la SNCF nous choisisse, ça nous emmènerait une visibilité complète et totale pour un certain nombre d’années", explique le président de Bombardier France, Laurent Bouyer. "C’est un enjeu d’emplois. Si effectivement on était pas retenus, on aura de la visibilité jusqu’en 2019, 2020, peut-être tout début 2021. Au-delà, il y a un choc un peu brutal qu'il va falloir anticiper dès l’année prochaine. Il n’y a aucun chantage mais une alerte", assure-t-il.

Xavier Bertrand, "VRP" de Bombardier. Pas de chantage et pourtant, le discours ressemble fort à celui d’Alstom, sauvé il y a quelques semaines : pas de commandes après 2019 et des emplois seront menacés. Sur ce point, Bombardier a trouvé un allié politique en la personne de Xavier Bertrand, le président Les Républicains de la région des Hauts-de-France. Ce dernier s’est carrément auto-proclamé "avocat" ou "VRP" de Bombardier.

Entendu sur europe1 :
Entre ce qu’on entend en ce moment, le patriotisme économique, le chantage à l’emploi… Tout ça, c’est de bonne guerre, mais ce sont des pressions vraiment très fortes.

Mais dans ce dossier, Bombardier France est-il le seul à mettre la pression ? Dans cet appel d’offres, Bombardier est en concurrence avec CAF, un constructeur espagnol mais qui a lui aussi une usine en France, à Bagnères-de-Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées. Et le PDG de la filiale française de ce constructeur n’entend pas laisser son concurrent gagner la bataille aussi facilement. "Un contrat tel que le RER pourrait nous permettre justement de créer 500 à 600 emplois rien que pour notre usine", promet déjà Francis Nakache. Et là aussi, l’argument chantage est dégainé. "Ne pas l’avoir, ça voudrait dire qu’on pourrait avoir des trous d’air à terme", poursuit-il. "Et à ce moment-là, on pourrait se poser des questions de la même manière que nos confrères".

La SNCF ne veut pas se prononcer. Cette pression publique a-t-elle des chances de faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre ? Pour le moment, le gouvernement ne se prononce pas. Du côté du syndicat des transports d’Île-de-France, qui va pourtant payer pour ces rames de train, et qui a donc son mot à dire, pas de réaction non plus. "Ce n’est pas nous qui décidons qui gagne cet appel d’offres", nous explique-t-on. "Tout ce qu’on veut, c’est mettre des trains sur les rails pour les usagers".

Et la SNCF ? Elle est décisionnaire sur cet appel d’offres et là aussi, aucune indication précise. Les appels d’offres sont "des procédés aux règles très strictes, très surveillés juridiquement", répond la SNCF qui reconnaît tout de même que la question des emplois est "quelque chose qui pèse" dans la décision. "Il y a quelque chose de très folklorique, là-dedans", s’agace une source proche de la SNCF. Et de conclure : "entre ce qu’on entend en ce moment, le patriotisme économique, le chantage à l’emploi… Tout ça, c’est de bonne guerre, mais ce sont des pressions vraiment très fortes".