Absentéisme au travail : c’est quoi le malaise avec les jeunes ?

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Les jeunes s'absentent plus fréquemment mais moins longtemps que le reste des salariés. © FLORIAN DAVID / AFP
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Absents moins longtemps mais plus fréquemment que leurs aînés, les moins de 30 ans semblent peiner à s’adapter au monde du travail tel qu’ils le découvrent.
ON DÉCRYPTE

Est-ce le mal d’une génération ? Dans un contexte d’augmentation globale de l’absentéisme au travail en France, la situation des jeunes interpelle. Les salariés français ont été absents, en moyenne, 17,2 jours en 2017, contre 16,8 en 2016, d’après une étude rendue publique jeudi par le cabinet Ayming. Et il apparaît que les moins de 30 ans s’absentent plus fréquemment, mais pour des durées plus courtes, que la moyenne. Bougeotte, manque d’encadrement, inadaptation au monde du travail : les raisons sont nombreuses pour expliquer ce phénomène.

Le choc de l’entrée dans le monde du travail

Dans le détail, les moins de 30 ans "ont un taux d’absentéisme bien plus faible (3,23%), avec des absences plus fréquentes, mais pour des causes moins graves", pointe le baromètre du cabinet Ayming, spécialisé dans la performance des entreprises. En revanche, "chez les moins de 25 ans, l’absentéisme de longue durée s’élève tout de même à 7% du total de leurs absences", qui "sont plus liées à un désengagement au poste qu’à des maladies graves".

Pris tels quels, les chiffres esquissent le portrait d’une génération qui peine à s’adapter à la réalité du monde du travail, qu’elle découvre en sortant des écoles ou des universités, entre attentes et désillusions. "En effet, les moins de 25 ans découvrent les réelles contraintes de leur métier. Le niveau d’attente et d’exigences dans leur rapport au travail est peut-être plus élevé que celui que proposent leur employeur et leur emploi", souligne l’étude.

"Les jeunes ont des attentes extrêmement fortes. Dès lors que le travail ne les intéresse pas suffisamment, ils sont dans des charges émotionnelles qui génèrent de l'absentéisme, des burn-out et ce genre de problématiques", complète Fabien Piazzon, qui a piloté l'étude, au micro d’Europe 1.

Les jeunes soumis aux burn-out, comme tout le monde

Reste qu’il serait injuste de critiquer des jeunes supposément incapables, pour partie, de s’intégrer au monde du travail. En effet, l’étude du cabinet Ayming insiste sur un autre facteur de démobilisation qui concerne toutes les générations : le manque d’encadrement. "Le taux d’absentéisme est toujours plus élevé pour les salariés arrivés dans l’année que pour ceux d’une ancienneté plus grande (…) ce que l’on peut expliquer par des parcours d’intégration ou des process de tutorat et d’accompagnement souvent peu structurés", est-il indiqué. Or, de par leur situation et leur âge, les jeunes qui entrent sur le marché du travail sont davantage soumis à ce phénomène.

Enfin, les jeunes sont des actifs comme les autres et souffrent parfois d’un monde du travail qui se transforme intensément depuis quelques années. Isabelle de Seilhac est médecin généraliste à Nantes et voit défiler dans son cabinet des salariés qui lui confient leur mal-être. "Il y a une pression, un management agressif qui consiste à demander de plus en plus de choses aux salariés. Ils doivent être polyvalents et donc capables de faire plein de choses", explique-t-elle au micro d’Europe 1. Ce surmenage conduit à "l’épuisement psychologique et à des séquelles physiques, type mal de dos".

Une autre étude, publiée en 2016 par le cabinet Technologica, indiquait que 64% des 15-29 ans se sentaient stressés par leur travail et 16% présentaient au moins un symptôme d’épuisement professionnel, signe avant-coureur d’un possible burn-out. C’est une pathologie qui "touche des gens très consciencieux dans leur travail mais qui ne sont pas reconnus psychologiquement (il n’y a pas de remerciements, d’encouragements) ou physiquement (mauvaise ergonomie du poste de travail)", souligne le docteur Isabelle de Seilhac.

Aller vers un management de concertation

Face à ce mal-être naissant, "les entreprises ont intérêt à s’interroger sur le travail de demain", affirme Fabien Piazzon. "Elles doivent s’intéresser à leurs collaborateurs pour comprendre comment ils envisagent de travailler. Les entreprises qui maîtrisent la santé de leurs salariés sont celles qui osent les interroger sur leur vision opérationnelle de leur métier." Un management d’écoute devenu inévitable pour intégrer de jeunes générations très exigeantes vis-à-vis de leur métier. "Quand les entreprises n’osent pas aller vers la concertation, elles génèrent des frustrations, des conflits interpersonnels, du stress auprès de leurs collaborateurs, ce qui aboutit à des arrêts maladie car ils saturent de conditions qui ne leur correspondent pas", ajoute Fabien Piazzon.

Heureusement, les employeurs semblent avoir pris conscience du phénomène. "On avance, des formations managériales se mettent en place. Elles sont essentielles car il faut accompagner les managers vers ces nouvelles postures", souligne l’expert du cabinet Ayming. Les chefs d’entreprise auraient tort de s’en priver : selon l’étude parue jeudi, "les juniors ont une vision de leur avenir plus agile et sont davantage acculturés aux changements de métier". Une faculté d’adaptation toujours appréciable dans le monde du travail.