Abandon de NDDL : à combien se chiffre la facture ?

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L’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes n’est pas sans conséquences pour l’État. Plusieurs centaines de millions d’euros sont en jeu.

Il n'y aura donc pas d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Mercredi, le gouvernement a officialisé sa décision d’abandonner le projet controversé de second aérogare en Loire-Atlantique, mettant fin par la même occasion à un feuilleton vieux de 50 ans. "Un tel projet qui structure un territoire pour un siècle ne peut se faire dans un contexte exacerbé entre deux parties presque égales de la population. C’est l’aéroport de la division", a constaté Édouard Philippe à l’issue du Conseil des ministres. A la place, l’État engagera la modernisation de l’aéroport voisin de Nantes-Atlantique. Une décision coûteuse.

Compensation pour Vinci. Le gros du coût de l’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (NDDL) dépend de Vinci. Le groupe de BTP avait décroché le contrat pour bâtir et gérer l’aérogare. Or, avec cet abandon, Vinci Airports peut faire dénoncer une rupture de contrat et faire jouer la clause de résiliation. L’entreprise a confirmé l’existence d’un tel mécanisme, lié à une compensation. Le mode de calcul de cette compensation financière est stipulé noir sur blanc dans le contrat, avec un certain nombre de paramètres qui entrent en ligne de compte, notamment le manque à gagner sur les 55 années d’exploitation prévues.

Vinci n’a jamais communiqué sur le chiffre exact mais des économistes se sont minutieusement penchés sur le calcul. Les estimations varient entre 250 et 350 millions d’euros. Dorian Piette, enseignant d’économie à l’IUT de Nantes avait avancé en 2016 le chiffre plus précis de 278 millions d’euros. Du côté des opposants au projet de NDDL, on pointe plutôt des frais de résiliation entre 150 et 250 millions d’euros. "Les 350 millions n'ont aucune base légale", a simplement dit Christophe Castaner, secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement, sur BFMTV.

Travaux à Nantes-Atlantique. A cela, il faut rajouter le coût du réaménagement de l’aéroport de Nantes. "Dans un premier temps, l'aérogare de Nantes-Atlantique sera modernisé", a assuré Édouard Philippe. "En parallèle, la procédure pour l'allongement de la piste sera engagée, elle permettra de réduire les nuisances sonores à Nantes", a annoncé le Premier ministre. Des travaux d’ampleur forcément coûteux. En 2013, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) évoquait une fermeture de la piste de trois à six mois et une facture de 825 millions d’euros. Le rapport de médiation remis au gouvernement en décembre table plutôt sur 415 à 545 millions, en comptant sur une fermeture moins longue.

Mais l’hypothèse d’une compensation financière brute semble peu probable. Au lieu de payer Vinci directement, l’État va négocier avec le groupe de BTP. "Il y aura une discussion et nous trouverons une solution dans le respect du droit", a assuré Christophe Castaner. "Comme nous l'avons toujours dit, aujourd'hui plus que jamais, Vinci se tient à la disposition de l'État", a déclaré un porte-parole l’entreprise après l’annonce du gouvernement. Négocier, c’est déjà ce que l’État avait fait en 2014 avec la société Ecomouv, après l’abandon du projet d’écotaxe. Plusieurs pistes sont envisageables pour l’État, comme l’allongement de la concession accordée à Vinci pour l’aéroport de Nantes-Atlantique.

Une taxe "inutile". En revanche, il sera sans doute plus compliqué de gérer le cas de la taxe "secrète" payée par les compagnies aériennes en vue de la construction. Mardi, Libération révélait que depuis sept ans, les taxes et redevances payées par les compagnies aériennes qui décollent et atterrissent à Nantes-Atlantique ont été augmentées afin de constituer une "cagnotte" pour financer la construction de la plateforme de Notre-Dame-des-Landes. Sauf qu’aujourd’hui, ce pactole d’environ 100 millions d’euros erre sans but. A priori, les compagnies aériennes concernées ne demanderont pas de remboursement mais seront très vigilantes à l’utilisation du montant collecté, certainement utilisé dans la modernisation de l’aéroport existant.

La construction aurait aussi coûté cher. Il faut toutefois relativiser la facture de l’abandon de NDDL : construire l’aéroport aurait aussi été une entreprise onéreuse. Selon les chiffres fournis par Vinci en 2010, l’aéroport aurait coûté 560 millions d’euros, dont plus de 250 millions à la charge de l’État et des collectivités locales. Un chiffre bien plus élevé de 992 millions a été avancé par la suite, afin que NDDL accueille non pas quatre mais neuf millions de passagers par an. Les opposants affirmaient que le projet aurait coûté 1,5 milliard au total, en incluant l’aménagement des routes et du tram pour la desserte du site.