Yahoo! déclare la guerre au télétravail

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Sophie Amsili , modifié à
La décision du groupe américain surprend et relance le débat sur le travail depuis son domicile.

La fin du télétravail. Tous les salariés de Yahoo! vont devoir regagner les pénates de la maison-mère. Un mémo envoyé la semaine dernière par la direction des ressources humaines du groupe américain prévoit en effet de mettre fin au télétravail à partir de juin. "Pour devenir le meilleur endroit pour travailler, il sera important de communiquer et de collaborer, donc nous avons besoin de travailler côte-à-côte", justifie le directeur des ressources humaines dans le document interne publié par le blog All Things D. "La vitesse et la qualité sont souvent sacrifiées quand on travaille de la maison. Nous avons besoin d'être un Yahoo! uni, et cela commence en étant physiquement ensemble."

A contre-courant. La décision a de quoi surprendre : Yahoo! prend ainsi le contrepied d'une tendance à l'œuvre depuis plusieurs années aux Etats-Unis. Entre 2007 et 2012, la part des entreprises américaines permettant à leurs salariés de travailler de manière flexible, notamment à domicile, est passée de 48% à 53%, d'après l'association américaine de gestion des ressources humaines (SHRM). Selon un rapport de 2011 du Département du travail, 24% des salariés américains travaillent au moins quelques heures par semaine de chez eux.

Productivité ou innovation ? Yahoo! va donc à contre-courant mais "ceci n'est pas une vision générale dans le secteur sur le travail à domicile, ceci concerne ce qui est juste pour Yahoo! maintenant", a, de son côté, prudemment souligné un porte-parole du groupe. Mais en affirmant que "la vitesse et la qualité sont souvent sacrifiées quand on travaille de la maison", Yahoo! relance le débat sur le télétravail. Bien qu'un ancien cadre de Yahoo! ait souligné dans la presse américaine les abus de salariés en télétravail, le département du Travail note, lui, que les salariés travaillant chez eux effectuent davantage d'heures supplémentaires non rémunérées. Pour John Sullivan, professeur de management à la San Francisco State University, cité par le New York Times, l'arbitrage se fait entre productivité et esprit d'initiative : "si vous voulez de l'innovation, alors vous avez besoin d'interactions. Si vous voulez de la productivité, alors vous voudrez que les gens travaillent chez eux." Yahoo! a donc tranché.

"L'esprit Google" n'est pas loin. Arrivée de Google en juillet 2012, Marissa Mayer, la nouvelle patronne de Yahoo!, pioche en fait dans les recettes de son ancien employeur pour redresser le groupe en difficulté. Avec ce mémo, elle semble vouloir importer "un esprit Google" chez Yahoo, estime Colin Gillis, un analyste de BGC Partners interrogé par le New York Times : "Google s'efforce de faire tourner votre vie autour de leur campus pour que vous puissiez passer beaucoup plus de temps au travail." Navettes, jeux et surtout nourriture offerte : Google est régulièrement notée parmi les entreprises où il fait bon travailler. Repas gratuits et nouveaux smartphones ont d'ailleurs déjà débarqués chez Yahoo! l'an dernier. En interdisant le télétravail, Marissa Mayer passe à la vitesse supérieure.

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Les mères mécontentes. Mais les critiques n'ont pas tardé, notamment de mères qui concilient aujourd'hui leur vie professionnelle et leur vie privée grâce au télétravail. Pour ne rien arranger, la presse américaine a révélé que Marissa Mayer, qui a pris la tête de Yahoo! alors qu'elle était enceinte de six mois, a fait construire une garderie pour son fils près de son bureau. Des hommes d'affaires se sont également mêlés au débat : sur Twitter, le milliardaire Richard Branson s'est dit "perplexe" face à la décision de Yahoo! : "Donnez aux gens la liberté de travailler où ils veulent, et ils excelleront", estime-t-il.

Donald Trump estime, lui, que "Marissa Mayer a raison" et loue le travail de la jeune PDG.