Petits arrangements entre cigarettiers et buralistes

Environ la moitié des buralistes français toucheraient des commissions pour mettre en avant les marques de cigarettes.
Environ la moitié des buralistes français toucheraient des commissions pour mettre en avant les marques de cigarettes. © MAXPPP
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Martial You et Damien Brunon , modifié à
INFO E1 - Pour qu’ils fassent une meilleure publicité, les fabricants de cigarettes arrosent les débits de tabac les plus lucratifs.

L’INFO. Alors que le congrès des buralistes se tient actuellement à Paris, une information devrait agiter les débats. Selon un témoignage recueilli par Europe 1, entre 4.000 et 5.000 débits de tabac en France touchent des commissions illégales de la part des fabricants de cigarettes pour faire leur publicité. Certains buralistes reçoivent même plusieurs milliers d’euros par an pour promouvoir les marques de cigarettes. Avec un bonus pour ceux qui sont installés près des lycées et des universités.

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Publicité illégale. La loi Evin est claire : la publicité dans les débit de tabac doit tenir dans des affichettes de 60cm par 80cm, lesquelles ne doivent pas être visibles de l’extérieur. La règle est très difficile à respecter mais elle est complètement bafouée lorsqu’il s’agit de mettre en place ce que les cigarettiers demandent aux buralistes.

Un commercial, en activité depuis une vingtaine d’années chez l’un des quatre grands fabricants, a accepté de témoigner pour Europe 1. “Le problème se pose sur la notion d’affichette, entre une affichette et un écran, il n’y a qu’une question d’interprétation et chacun voit midi à sa porte”, confirme-t-il.

Des écrans plasma publicitaires, des ramasse-monnaie, des dalles au sol, tout est bon pour promouvoir la dernière nouveauté du fabricant de cigarettes. Le problème, c’est que pour mettre en place de telles installations, l’industrie du tabac verse plusieurs milliers d’euros aux buralistes.

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Comptes cachés. Selon la réglementation édictée par la loi Evin, des cadeaux commerciaux de l’ordre de quelques centaines d’euros chaque année sont tolérés pour les buralistes. Mais les sommes réelles sont bien loin de ça. Sur les 27.000 débits de tabac en France, ils sont environ la moitié à toucher des sommes plus importantes. Les 5.000 plus gros débits de France touchent plusieurs milliers d’euros.

Ces sommes ne sont d’ailleurs inscrites nulle part : l’argent est crédité sur des cartes bancaires spéciales détenues par les buralistes. Ces dernières servent à gérer leurs comptes mais elles peuvent aussi être utilisées au restaurant, dans les magasins de vêtements ou à la station essence. Bref, ce sont des pots-de-vin illégaux. “C’est comme ça c’est établit, tout le monde le sait, tout le monde en parle. Ca fonctionne comme ça depuis des années et des années”, insiste le commercial au micro d’Europe 1.

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© REUTERS

Bonus pour les jeunes. La pratique est d’autant plus gênante qu’elle ne s’arrête pas à la simple rentabilité des débits de cigarettes. Les fabricants savent précisément combien chaque buraliste vend de paquets chaque année et ils les classent en fonction de cela. Le rang de chaque débit peut néanmoins être modifié fortement si il se situe près d’un lieu fréquenté par des jeunes.

“Si le débit est 5.000ème mais qu’il est placé à côté d’une université, il va être traité comme si il était dans les 50 premiers débits”, appuie le commercial. Etre dans les 50 premiers débits, c’est s’assurer des sommes allant de 6.000 à 7.000 euros par an selon lui.

Les douanes de mèche. Autre élément perturbant, les douanes françaises seraient au courant de ces arrangements illégaux. Elles laissent faire pour garder la paix sociale selon le témoignage recueillis par Europe1. Il n’y a pas de guerre des prix entre fabricants, le système de rémunération des débits est certes illégal mais contrôlé, les douanes considèrent donc qu’elles peuvent fermer les yeux pour l’instant.

Interrogée par Europe1, la confédération des buralistes reconnaît pleinement l’existence du système et le condamne sans ambiguïté. Son message est simple : aucune excuse pour ceux qui ont recours à ces pratiques.

Le château de cartes pourrait néanmoins s’effondrer rapidement. Depuis quatre ou cinq ans, les dons se concentrent de plus en plus sur les gros débits des grandes villes selon le témoin interrogé par Europe 1. Certains pourraient donc se sentir lésés en fin d’année et dérégler la machine si bien huilée des cadeaux commerciaux faits aux buralistes.