Loi Macron : y a-t-il du Montebourg dedans ?

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COMPARAISON - L’actuel ministre de l’Economie et son prédécesseur se sont tous deux attelés à la même tâche : relancer l’économie française. Une même ambition, mais des propositions bien différentes.

Montebourg vs Macron. L’un incarne l’aile gauche du PS, l’autre a une sensibilité plus libérale. Un seul point commun rapproche l’ex-ministre de l’Economie, Arnaud Montebourg, chantre du made in France et critique assumé des contraintes budgétaires imposées par Bruxelles, de l’actuel, Emmanuel Macron, force montante d’un social-libéralisme à la française : leur passage à Bercy en temps de crise.

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Les deux hommes ont partagé un même souci, celui de relancer la croissance d’une économie française plombée par un chômage endémique. Mais avec des propositions assez différentes, puisque la "loi croissance" annoncée en juillet dernier par Arnaud Montebourg et reprise par Emmanuel Macron, qui l’a présentée mercredi en Conseil des ministres a subi quelques changements.

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Une loi plus libérale dans l’esprit

Le choix des mots, toujours le choix des mots. La loi Montebourg "sur la croissance et le pouvoir d’achat" est devenue la loi Macron "pour la croissance et l’activité". Quand l’ancien locataire de Bercy insistait sur les retombées positives de la loi pour les classes moyennes avec qui il voulait "renouer" et les "6 milliards d’euros de pouvoir d’achat" que "les Français allaient récupérer", l’actuel maître des lieux insiste sur la nécessité de "redonner confiance aux entreprises". Une ligne plus en accord avec la politique de l’offre prônée par François Hollande et son gouvernement.

 

Une loi moins ambitieuse sur les professions réglementées

Au-delà des discours, Arnaud Montebourg s’est pourtant montré plus libéral qu’Emmanuel Macron sur un point, et pas des moindres : celui des professions réglementées. L’ancien ministre de l’Economie comptait libéraliser la procédure d’ouverture des offices de notaires. Devant la fronde provoquée par cette proposition, son successeur Emmanuel Macron s’est montré plus mesuré. Il a d’abord assuré que "rien n’était figé". Aujourd’hui, le texte veut revenir sur les critères retenus pour que l’autorité de la concurrence autorise la création de nouvelles offices. Ce qui pourrait menacer le principe de libre ouverture.

Si la position plus radicale de Montebourg sur le sujet peut paraître surprenant au premier abord, rappelons que l’ancien ministre du Redressement Productif en était resté au stade des déclarations, et qu'il n'avait pas présenté de projet de loi en Conseil des ministres. Emmanuel Macron, lui, s’est frotté aux revendications des professions concernées, ce qui explique qu’il se soit montré plus modéré.

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Sur le travail le dimanche, Macron va plus loin 

Autre dossier phare de cette "loi croissance", l’ouverture des commerces le dimanche. Sur le sujet, Emmanuel Macron propose un passage de 5 à 12 ouverture dominicales annuelles, sur autorisation municipale. Il prêche également l’ouverture de "zones touristiques internationales", comme sur les Champs Elysées ou les Galeries Lafayette à Paris.

Autre nouveauté notable, une vingtaine de gares seront concernées par l’ouverture des magasins le dimanche. Dernier point important de la loi Macron, le principe du travail sur la base du volontariat et les contreparties obligatoires (prime, repos…), dont les PME de moins de 20 salariés devaient être exonérés, sera finalement négocié par branche, par entreprise ou par territoire.

Arnaud Montebourg lui s’était positionné contre le travail dominical, comme l’avait rapporté Le Canard Enchaîné le 23 avril dernier : "Je suis pour les réformes de gauche, c’est-à-dire la dérégulation des professions réglementées. Et contre celles de droite comme l’ouverture des magasins le dimanche", avait-il déclaré à l’époque.

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 La "loi croissance" portée par Macron dans un contexte tendu

Les modifications apportées par Emmanuel Macron aux orientations fixées par Arnaud Montebourg s’expliquent aussi par le contexte européen. Avec cette "loi croissance", le ministre de l’Economie espère amadouer ses partenaires Bruxelles et Berlin.

C’est en tout cas l’analyse qu’en font ses détracteurs, comme l’avocat Thierry Wickers, qui s’exprime dans Les Echos : "Son propos est essentiellement de donner des gages aux instances européennes, dans une période de négociation sur le budget français." L’homme de loi ajoute que la "médiocrité des textes rédigés sans réelle réflexion sur les sujets et prise en compte de l’identité propre de la profession".

En effet, si la Commission Européenne a validé le projet de loi de finances 2015, elle n’a pas encore rendu son avis définitif sur le respect des règles budgétaires de l’UE, prévu pour fin mars. Emmanuel Macron n’a plus qu’à espérer que d’ici là, ses réformes, qui seront débattues à l’Assemblée nationale le 22 janvier, aient l’impact espéré.