Le Pavillon

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Que l’heureux propriétaire d’une gentille maison de banlieue plastronne auprès de ses amis, rien que de bien naturel. De là à (re)qualifier sa modeste résidence en " villa ", il lui faut disposer d’une solide vision optimiste de l’architecture urbaine ! Mais dépassons plutôt cette propension mégalomaniaque et voyons de plus près de quoi il retourne.

Que l’heureux propriétaire d’une gentille maison de banlieue plastronne auprès de ses amis, rien que de bien naturel. De là à (re)qualifier sa modeste résidence en " villa ", il lui faut disposer d’une solide vision optimiste de l’architecture urbaine ! Mais dépassons plutôt cette propension mégalomaniaque et voyons de plus près de quoi il retourne.

 

 

 

 

 

 

 

 

Etymologiquement, le pavillon est décrit dès le début du XIIe siècle comme une tente militaire, le " paveilun ". Plus simplement, si la tente est carrée, on la baptise " pavillon ", sinon elle conserve son appellation originelle !

 

 

D’aucuns prétendent qu’il s’agirait d’une déformation du latin classique papilio (papillon, en bon français) mais l’analogie entre l’insecte trapézoïdal et une tente carrée nécessite une certaine laxité cérébrale. Mais pourquoi pas… Il existe d’ailleurs, à l’époque, une fort jolie locution, " Cueillir son paveillon " qui signifie simplement " démonter sa tente ".

 

 

Donc, le latinisant " paveilun " se mue rapidement en " paveillon " puis en " pavillon " pour décrire, deux ou trois siècles plus tard, un corps de bâtiment généralement carré servant d’accompagnement à un bâtiment plus important ; sorte d’annexe à l’usage souvent spécifique. Nous savons tous ce qu’est un pavillon de chasse…

 

 

 

 

 

 

Mais comment en sommes-nous arrivés là ?

 

 

 

Dès le XVIIIe siècle, le pavillon décrit un vrai bâtiment en dur. Puis, au fil du temps, le terme a recouvert de nombreuses acceptions qui, néanmoins, partagent un point commun, à savoir une forme plus ou moins carrée. Ainsi, dans le dictionnaire de l’Académie française de 1835, s’agit-il d’un " corps de bâtiment ordinairement carré, appelé ainsi à cause de la ressemblance de sa forme avec celle des pavillons d’armée […] ".

 

 

En général, le terme décrit des annexes à des bâtiments publics ; les pavillons de l’Exposition universelle, le pavillon de pédiatrie de tel hôpital, le pavillon des sources d’un établissement thermal….

 

 

 

 

Ce n’est qu’au tournant du siècle dernier qu’on désigne ainsi les petites maisons à quatre façades qui fleurissent dans les faubourgs des grandes villes. Puis, la moquerie bientôt muée en mépris a transformé l’habitation en " p’tit pavillon de banlieue " pour finir en " Tu l’as fabriqué toi-même ou quoi " parodiant ainsi Coluche… Ce qui ne se montre guère flatteur, vous admettrez !

 

 

 

 

 

 

 

 

La villa.

 

Comme sa consonance le laisse présager ; le terme " villa " est d’origine italienne ou, plus exactement, romaine puisqu’il désigne la partie d’exploitation agricole (villa rustica) d’une propriété ou sa partie résidentielle (villa urbana) ; ce dernier terme valant également pour une maison… de banlieue, autrement dit en périphérie des zones urbaines latines !

 

 

Un logement largement inspiré de celui des Etrusques avant que la puissance de Rome n’en répande le modèle à travers toute la Terra Cognita ; une sorte de bâtiment rectangulaire plus ou moins confortable selon les moyens du propriétaire, agrémenté et acclimaté aux régions et aux us ou coutumes locales.

 

 

Et nous en aurions fini avec la définition du mot " villa " qui se résumait jusqu’au XVIIIe siècle à une riche maison de plaisance italienne agrémentée d’un parc, si d’aucuns n’en avaient remis l’usage à la mode. Notamment la princesse Pauline quand elle se fit construire une " villa " à la mode d’Italie sur l'île d'Elbe où elle accompagnait son frère en exil…A noter, également, Victor Hugo qui, dans sa Correspondance, parle d’une villa, sorte de maison de campagne entourée d’un jardin.

 

 

 

 

 

 

L’invasion conquérante des superlatifs.

 

Autrement dit, le mot " villa ", pour désigner une maison d’habitation, n’a jamais fait partie du vocabulaire français ; pour preuve, on n’en trouve aucune trace dans aucun dictionnaire avant le XIXe siècle comme nous venons de le voir.

 

 

Mais il n’en fallait pas davantage pour qu’au tournant du siècle suivant, l’accession à la propriété s’accroissant, la pédanterie l’emporte sur toute considération architecturale : les belles demeures portent un nom (villa Machin, villa Bidule), et font pâlir de rage le voisin à la résidence bien plus modeste mais qui ne se gênera pas pour employer un terme magnifiant son… pavillon !

 

Une mode de l’enflure sémantique qui transforme une midinette en star, un sportif en héros, un écrivaillon en auteur de génie (suivez mon regard…). Bref, ça fait nettement plus chic d’inviter son beau-frère dans sa villa que de le convier à un barbecue sardînatoire dans son pavillon de meulière…

 

 

 

 

 

Pavillon ou villa ?

 

Alors, comment trancher ? De toute façon, les carottes sont cuites puisque, aujourd’hui, le terme " pavillon " est systématiquement gratifié de l’épithète péjoratif " de banlieue " ! Ce qui ne donne pas forcément envie…

 

Bigre, l’affaire tourne mal si ce n’était cette délicieuse définition, non officialisée, trouvée au hasard de mes pérégrinations sur la toile : une villa serait une maison individuelle avec un jardin tandis qu’un pavillon se réduirait à une maisonnette construite dans un jardin. Pas mal, non ?

 

En attendant, pour clore ce débat, j’espère avec impatience vos commentaires à cet égard !